Publié dans le magazine Books n° 70, novembre 2015.
En Suède, la publication du tout premier roman de Karl Ove Knausgaard a déclenché un vaste débat autour des rapports entre art et morale, relançant la question de la fonction de la littérature dans nos sociétés anesthésiées par le politiquement correct.
Les « cyclopes », c’est ainsi que le romancier superstar Karl Ove Knausgaard a baptisé ceux qu’il considère comme les garants du politiquement correct en Suède : une caste bornée qui, au nom de la parité et de la défense des minorités, fait selon lui peser une chape de plomb sur la littérature.
Knausgaard n’en est pas, il faut le préciser, à sa première polémique : de nationalité norvégienne, installé en Suède depuis treize ans, il est l’auteur d’une fresque autobiographique de plus de 3 000 pages, parue en norvégien sous le titre provocateur de « Min Kamp » (
Mon combat, traduit chez Denoël). Véritable phénomène d’édition, les six tomes de cet ouvrage ont enflammé les critiques, qui y voient, pour les uns, un chef-d’œuvre digne de Proust, pour les autres, un sommet de narcissisme rempli de réflexions sexistes.
Ces accusations resurgissent aujourd’hui avec la traduction en suédois du premier roman de Knausgaard, un livre publié en 1998 en Norvège – soit plus de dix ans avant
Mon combat. Intitulé « Hors du monde », l’ouvrage raconte la relation amoureuse...