Publié dans le magazine Books n° 70, novembre 2015.
Dans des textes inédits, le diariste analyse sans complaisance un mouvement révolutionnaire à l’issue tragique.
De son vivant, le grand romaniste Victor Klemperer ne jouissait que d’une piètre notoriété. Son « Histoire de la littérature française au XVIIIe siècle » était surtout appréciée des spécialistes. Son étude sur la langue du IIIe Reich était devenue un classique dans l’après-guerre, tout en restant relativement confidentielle. Cela changea en 1995, trente-cinq ans après sa mort, quand fut publié le journal qu’il avait tenu de 1933 à 1945. Ce Juif allemand y racontait les persécutions au quotidien. Le pape de la critique littéraire germanique, Marcel Reich-Ranicki, assura n’avoir encore jamais rien lu de tel en allemand. L’ouvrage pesait deux kilos et devint un
bestseller mondial.
Depuis, d’autres parties de ce journal sont parues. La dernière en date, qui connaît un beau succès outre-Rhin, fait découvrir une autre facette du personnage : non plus l’éminent universitaire, démis de ses fonctions par les nazis, mais l’apprenti journaliste, placé par les circonstances au cœur d’une Allemagne en ébullition. Ces notes furent rédigées en 1942, mais concernent une période bien antérieure : celle qui suit l’armistice de 1918....