La bonne nature humaine
Publié le 19 mai 2020. Par Amandine Meunier.
Après Utopies réalistes (Seuil, 2017), son best-seller dans lequel il plaidait pour le revenu universel, l’ouverture des frontières et la semaine de travail de 15 heures, l’historien néerlandais Rutger Bregman enfonce le clou. Si ces « utopies » sont réalistes c’est parce que la nature humaine est bien moins mauvaise qu’on ne le dit, assure-t-il dans son nouveau livre De meeste mensen deugen.
Une certaine vision hobbesienne de la société
Bregman entreprend ainsi de démolir une certaine vision hobbesienne de la société. Nous considérer comme une espèce violente et cruelle, et adapter nos organisations, l’éducation, la justice, l’économie à cette conception, revient à créer une prophétie autoréalisatrice. Si nous attendons le pire nos semblables, c’est ce que nous obtiendrons.
De meeste mensen deugen est un « livre poil à gratter et un correctif aux théories fumeuses de psychologues et scientifiques trop zélés », juge Brian Appleyard dans The Sunday Times. « Le principal plaisir du livre est sa façon de s’aventurer hardiment en territoire hobbesien, ajoute le critique. En l’espace de quelques pages, il démolit William Golding, Richard Dawkins et Steven Pinker. Le roman de Golding Sa Majesté des mouches avait tout faux car des garçons échoués sur une île ne se comportent pas si mal. » Bregman donne l’exemple de ces six garçons originaires des îles Tonga qui ont fait bien malgré eux l’expérience de la vie sur une île déserte dans les années 1960 : ils ont été retrouvés au bout d’un an, vivant dans l’abondance et l’harmonie.
Une nature forcément mauvaise
L’historien néerlandais estime que la violence humaine a été mal étudiée pendant l’après-guerre. Quantité de travaux étaient biaisés (comme cette expérience menée par le psychologue américain Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité), car les intellectuels tentaient maladroitement de comprendre la Shoah. L’homme était forcément mauvais.
Bregman rassemble quantité d’éléments historiques pour montrer que l’humain, comme le souligne le titre original du livre, est deugen, qu’il a un bon fond. Et, selon lui, nous devrions tirer parti de cette bonté innée pour repenser la société. Utopique ? Comme Bregman se plaît à dire, « ce qui paraît naïf un jour peut sembler relever du bon sens le lendemain », relève Martin Bentham dans The Evening Standard.
À lire aussi dans Books : Utopie, mai-juin 2017.