Comment Emil devint Cioran

Entre l’enfance heureuse dans les Carpates et la philosophie du désespoir qui fit de lui l’un des grands moralistes du XXe siècle, il y eut Cioran jeune nationaliste roumain, admirateur de Hitler et pourfendeur des minorités. Erreur de jeunesse ou expression dévoyée d’une crise d’identité qui ne l’a jamais lâché ?

Qui lit Cioran de nos jours ? Il doit bien y avoir quelqu’un, puisque la plupart de ses ouvrages ont été traduits en anglais et sont toujours disponibles. Dans les universités américaines, où étudiants et professeurs sont familiarisés avec le moindre philosophe ou théoricien français de la littérature, Cioran est pourtant un quasi-inconnu, alors qu’il fut un penseur bien plus subtil que l’immense majorité d’entre eux. Ce manque d’intérêt pour Cioran tient à son regard résolument pessimiste sur la condition humaine ; ses dénonciations du christianisme comme de la philosophie évoquent parfois les délires d’un dément. Pour ajouter à la perplexité, Cioran a eu deux vies et deux identités : le Cioran roumain des années 1930, qui écrivait dans sa langue natale ; et le Cioran français, plus connu, qui écrivait dans celle de Molière. Depuis sa mort, en 1995, la révélation de son engouement de jeunesse pour Hitler et de sa proximité avec la Garde de fer, mouvement fasciste, nationaliste et antisémite roumain des années 1930, a également contribué à sa marginalisation. Pourtant, depuis la publication en 1949 de son premier livre écrit en ...
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À la recherche de Cioran de Comment Emil devint Cioran, Indiana University Press

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