Du poids des boutons
Publié dans le magazine Books n° 111, octobre 2020.
Longueur des vêtements, hauteur des bordures de fourrure, poids des boutons, nombre d’invités, quantité de cierges aux cérémonies et de viande autorisée à table… Pendant plus de cinq siècles, de la fin du Moyen Âge au début de l’époque moderne, un corpus de normes a tempéré l’exhibition du luxe en Italie et en Europe, établissant avec une extrême précision ce qui était convenable ou pas. Chacun devait donner de soi une image conforme à sa condition sociale, les femmes les premières, explique la médiéviste Maria Giuseppina Muzzarelli, spécialiste de l’histoire du patrimoine culturel et de la mode à l’université de Florence. Dans Le Regole del lusso, elle invite à « un voyage dans le temps et les tentatives de modérer l’ostentation de la richesse, dans une tension permanente entre les désirs des individus ou des groupes, et les limites imposées par la société », écrit Massimo Marino dans Il Corriere di Bologna. Pour l’historienne, ces règles de savoir vivre et paraître sont sans doute aux origines de la conscience que nous avons de la consommation et ne sont pas sans rappeler les débats contemporains sur la sobriété.
Toutefois, observe malicieusement Claudio Giunta dans le quotidien Il Foglio, ces normes d’antan exprimaient une « idée de vertu qui n’était que conformisme, exigence de faire profil bas ». « Or l’horizon de ce comportement, poursuit-il, c’est Mao avec son uniforme gris et tout ce que cela implique pour la liberté de pensée. Il faut s’en souvenir, et bénir le droit au mauvais goût chaque fois que nous maudissons la frénésie d’ostentation. »