Bien difficile de tenir à jour la liste de tous les bouleversements qu’a apportés Internet dans notre paysage intellectuel. A-t-on par exemple considéré le sort de notre belle grammaire française – « la première partie de l’art de penser », selon Condillac ? L’anglais domine le Web (52 % de contenu en anglais contre 4 % en français) et déborde ses digues avec des mots comme
like, post et
tweet.
Par-dessus le marché, comme les internautes préfèrent les phrases courtes et syncopées, le bon français avec ses phrases longues savamment balancées possède sur le Net un véritable handicap. Quel geek serait prêt à consentir aux souffrances d’un Emil Cioran qui avouait : « J’ai hurlé la grammaire à la main – tragédie du métèque ! » ? Pour ne rien arranger, à la différence de l’anglaise, la grammaire française est « sexospécifique » (les choses y sont dotées d’un genre –
le soleil,
la lune). Or, montre une étude récente, les locuteurs des langues qui divisent le monde arbitrairement entre les deux sexes en profitent pour marginaliser davantage celui dit faible, ...