Publié dans le magazine Books n° 108, juin 2020. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Jusqu’à la fin de ses jours, Hunter S. Thompson a cherché à prouver que la bonne fiction est bien plus objective que n’importe quel article de presse. Avec plus ou moins de succès.
Aux États-Unis dans les années 1960, l’éclosion de la contre-culture a bouleversé toutes les donnes, y compris littéraires. Pour porter la voix des
flower people et de leurs excès, Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William Burroughs ont ainsi inventé une nouvelle forme de fiction. Mais, pour décrire en profondeur et avec justesse ces phénomènes sociaux inédits, il faudra attendre les années 1970 et l’avènement du journalisme « gonzo », incarné par un Hunter S. Thompson se jetant avec armes (un Magnum .44 et un magnétophone) et un minimum de bagages (mais des quantités de whisky et d’hallucinogènes) sur les hauts-fonds et les bas-fonds de l’époque. Notamment la déjanterie stupéfiée des communautés hippies originelles, la voyoucratie malodorante et macho des Hell’s Angels ou l’explosion à Las Vegas du rêve américain dans un bouquet final de vices extravagants et de psychotropes (tout compte fait peu nécessaires, « car la réalité à Las Vegas est encore plus tordue que dans les trips »).
Ce n’est pas Hunter S. Thompson (HST) qui a inventé le terme gonzo, « nigaud » en ...