Grandeur et misère de la recherche biomédicale
Publié le 29 mai 2020. Par Amandine Meunier.
Face au SARS-CoV-2 et à la Covid-19, pourquoi tant de chercheurs se lancent-ils sur les mêmes pistes ? Et comment leurs résultats peuvent-ils être si contradictoires ? Les fausses pistes sont le lot habituel de la recherche biomédicale. Mais la plupart du temps, elles passent sous les radars, souligne le journaliste scientifique Richard Harris dans Rigor Mortis.
Dans cet univers hypercompétitif, où les chercheurs se voient attribuer les rares postes et financements en fonction du nombre d’études et « découvertes » qu’ils publient, les résultats négatifs ne sont pas rendus publics. Chaque année, des équipes suivent donc des pistes déjà testées sans savoir qu’il s’agit d’impasses. Les résultats positifs, eux, ne sont que rarement reproduits. À quoi bon gâcher ses chances dans la compétition, pour quelque chose qui a déjà été « découvert » ? En 2012, C. Glenn Begley, de la firme pharmaceutique Amgen, expliquait pourtant dans Nature qu’en quête de nouveaux traitements, ses équipes ont réussi à reproduire les expériences de seulement six études de premier plan sur 53.
Des résultats jamais reproduits
Pourquoi tant de faux positifs ? Pour rester dans la course, certains chercheurs n’hésitent pas à frauder. Plus couramment, ils manipulent leurs données (en diminuant la taille de leur échantillon par exemple) pour rentrer dans les critères statistiques déterminant arbitrairement ce qu’est un résultat significatif. Mais au-delà de cette volonté plus ou moins délibérée de tromper, les précautions qu’impliquent des expériences sur le vivant sont rarement prises, faute de temps et d’argent.
Fraudes, négligence et hasard
Selon Harris, entre 18 et 36% de toutes les études réalisées directement sur des cellules le sont sur le mauvais type de cellules. Les chercheurs ne font pas vérifier le matériel biologique que leurs fournissent les sociétés spécialisées. Il peut être contaminé ou juste mal étiqueté. Voilà comment certains, sans le savoir, étudient le cancer du sein sur des cellules de mélanome. Les souris posent également moult problèmes, ne serait-ce parce qu’elles réagissent différemment selon la personne qui les manipule (les hommes ont tendance à les stresser faisant augmenter leurs taux hormonal…) ou l’environnement dans lequel elles sont élevées. De nombreux détails ne révèlent ainsi leur signification qu’à ceux qui les cherchent. Le professeur de biophysique Olaf Andersen explique, par exemple, comment après des mois de disputes avec un collègue d’un autre laboratoire, il a compris pourquoi leurs résultats différaient : l’un nettoyait son équipement à l’acide, l’autre avec du détergent. Négligence et hasard jouent ainsi un rôle non-négligeable dans la recherche.
À lire aussi dans Books : Les impostures de la recherche médicale, mars 2011.