Publié dans le magazine Books n° 75, avril 2016. Par Olivier Postel-Vinay.
Darwin observait que les groupes les plus coopératifs ont tendance à l’emporter sur les groupes où l’égoïsme règne. Témoin la guerre, où s’illustre l’altruisme sacrificiel.
Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, la guerre n’est pas le produit de la sédentarisation de l’humanité au néolithique. Elle existait déjà chez nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. En témoignent des squelettes récemment trouvés près du lac Turkana, au Kenya. Ces hommes ayant connu une mort violente vivaient à la frontière entre le pléistocène et l’holocène, vers - 10 000 (1). Cela n’a rien d’étonnant, si l’on songe aussi aux pratiques guerrières de peuples de chasseurs-cueilleurs étudiés au siècle dernier, en Amérique latine ou en Nouvelle-Guinée. Rien d’étonnant non plus, si l’on admet que la théorie de la sélection naturelle ne s’applique pas seulement aux gènes mais aux groupes. Pour le biologiste et anthropologue David Sloan Wilson, grand prêtre de cette théorie, la guerre peut même être considérée comme un produit de l’altruisme, celui qui cimente les individus au sein d’un groupe.
Darwin, qui ignorait la notion de gène, avait déjà réfléchi à l’apparente contradiction entre sa théorie de la sélection naturelle, qui ...