Le diable, invention chrétienne

« Si on leur demande où et quand le diable est apparu pour la première fois, la plupart des gens parieront sur la Genèse et l’histoire du péché originel. Et, de fait, les premiers auteurs chrétiens ont reconnu le diable dans le serpent tentateur. Mais historiquement, c’est une erreur », écrit Stephan Speicher dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, à propos de la « nouvelle biographie » du diable signée Kurt Flasch. D’après cet éminent historien de la philosophie médiévale, Satan n’apparaît que dans des livres tardifs et apocryphes de l’Ancien Testament. Le livre d’Amos et celui d’Isaïe réfutent la possibilité de son existence (« Je suis Jahvé et il n’en est pas d’autre […] qui fasse le bien et le mal »). Même dans le livre de Job, où une entité diabolique apparaît sous le nom de l’« Adversaire », celle-ci est présentée comme l’un des « fils de Dieu », un instrument docile destiné à éprouver Job. La figure du diable ne s’impose vraiment que dans le Nouveau Testament. Autrement dit, il s’agit d’une invention chrétienne. Flasch avait défrayé la chronique outre-Rhin il y a quelques années avec son livre Pourquoi je ne suis pas chrétien (Les Belles Lettres). Dans ce nouvel ouvrage, il ne cache pas la répugnance que lui inspire cette innovation diabolique : « Il voit avant tout en Satan un instrument aux mains de l’élite spirituelle visant à discipliner le peuple », note Speicher. Et ce n’est pas au Moyen Âge que la crainte du diable atteignit son sommet et prit sa forme la plus violente, comme on pourrait le croire. L’apogée du mouvement se produisit au début de l’époque moderne. Luther était obsédé par le Malin, qu’il voyait partout. Et les grandes chasses aux sorcières datent des XVIe et XVIIe siècles.
LE LIVRE
LE LIVRE

Le diable et ses anges. La nouvelle biographie de Kurt Flasch, C. H. Beck Verlag, 2015

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