Le pape et le Vatican

Plus tolérant que ses prédécesseurs sur les questions de société, le pape François reste un authentique conservateur sur le plan doctrinal. L’ampleur de la révolution qu’il veut imposer à l’Église n’en est que plus spectaculaire. Non seulement Jorge Bergoglio veut mettre l’institution au service des plus humbles, mais il souhaite en finir avec l’incurie de la curie. L’enjeu de son pontificat ? Mettre fin aux dérives financières et morales d’une Eglise minée par les affaires de pédophilie et les scandales financiers. Peut-il réussir ?

L’occasion de faire ce dossier nous est donnée par un article nuancé intitulé dans sa version originale « Qui est le pape François ? ». Écrit par un spécialiste de l’université de Cambridge, il met en évidence le style très neuf de Jorge Bergoglio par rapport à ses prédécesseurs et sa détermination à bousculer le corps malade de la curie romaine. « Réussira-t-il ? » se demande l’auteur. Ce n’est pas sûr, tant son attaque est frontale et dérange des décennies de mauvaises habitudes. La popularité qu’il s’est acquise est légitime. Indépendamment de sa critique des mœurs vaticanes, elle se fonde sur deux inspirations très différentes. La première consiste à vouloir rapprocher l’Église de sa tradition la plus noble, celle d’aller vers les pauvres et les marginaux, ce qu’il appelle « les périphéries ». Renouvelant un geste maintes fois pratiqué quand il était archevêque de Buenos Aires, il vient laver les pieds des déshérités. La seconde inspiration n’est pas moins hardie. Tout en restant accroché aux principes d’une Église qui condamne les interventions sur la reproduction et rejette l’idée d’une révision de la masculinité et du célibat des prêtres, il appelle à l’expression des idées divergentes : « Il faut dire tout ce que l’on sent devoir dire […] sans craindre le jugement humain, sans lâcheté. » Pour faire saisir l’état dans lequel il a trouvé la curie, nous publions un article d’un spécialiste financier, paru du temps de Benoît XVI, qui présente un tableau dévastateur de la corruption matérielle et spirituelle de la hiérarchie de l’Église. François lui-même en a été le témoin et y a cédé, en Argentine, d’abord en ne condamnant pas la dictature sanglante du temps où il était le provincial des jésuites, ensuite en protégeant des prêtres accusés de pédophilie. Il le reconnaît à demi-mot : « Pour vous dire la vérité, j’ai commis des centaines d’erreurs. Des erreurs et des péchés. » Selon le dernier livre fouillé paru le sujet, ces erreurs et ces péchés ont fini par produire chez lui une véritable conversion. Pour détourner une formule qu’il a utilisée à propos des homosexuels, si une personne se repent, et se reprend, « qui suis-je pour la juger ? ». Nous revenons malgré tout sur l’épisode le plus tragique de sa vie de responsable catholique, qui lui valut d’être accusé d’avoir livré aux tortionnaires deux prêtres jésuites qui avaient été ses mentors.   Dans ce dossier :

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