Publié dans le magazine Books n° 15, septembre 2010.
Malgré son désir d’Europe, la Turquie entend refaire du Moyen-Orient sa zone d’influence. En jouant de sa qualité de passerelle entre Islam et Occident.
En mai dernier, l’assaut de l’armée israélienne contre la « flottille de Gaza », tuant neuf ressortissants turcs, révélait au grand jour l’intensité du rapprochement entre la Turquie et le monde arabe : son drapeau, longtemps symbole d’alignement sur les Américains et de complaisance à l’égard de l’État hébreu, fut brandi dans les manifestations anti-israéliennes ; son Premier ministre islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, fut salué comme un « nouveau Nasser » dans la presse…
Les spécialistes, eux, s’intéressent depuis longtemps au nouveau positionnement stratégique d’Ankara dans la région, comme en témoigne le livre que le Libanais Michel Naufal a publié début 2010 sur « le retour de la Turquie à l’Orient ». Le journaliste y développe une notion en vogue : le « néo-ottomanisme ». Ce courant, explique le quotidien
L’Orient le Jour, souhaite donner à la Turquie un rôle « plus ouvert et respectueux de la bigarrure de son environnement, à la manière d’un Empire ottoman qui avait su gérer des provinces d’une grande diversité culturelle, ethnique et religieuse, par opposition au nationalisme exacerbé de Mustafa Kemal [le fondateur de la République turque] »....