Publié dans le magazine Books n° 76, mai 2016.
Adolescente, Sarah Bakewell rognait sur son argent de poche pour s’offrir les œuvres de Sartre. Elle s’interroge aujourd’hui sur la vraie nature de cette philosophie si parisienne.
«Mais enfin, qu’est-ce donc que l'existentialisme ? », s’agaçait Mme Heidegger. Elle aurait pourtant dû le savoir mieux que quiconque : son mari, Martin, fut l’une des principales sources de cette philosophie, aux côtés de Kierkegaard, de Jaspers et d’Husserl. Oui, mais voilà : en dépit de profondes racines dans la phénoménologie allemande, l’existentialisme est une concoction bien française, tout droit sortie après guerre des fourneaux du couple Sartre-Beauvoir. Une concoction qui demeure encore assez mystérieuse et que l’on résume souvent à son fumet : quelques formules obscures (« l’existence précède l’essence », « l’enfer, c’est les autres » ), et surtout des images : Sartre et Beauvoir tenant cour au Café de Flore, dans un nuage de tabac ; Juliette Gréco enfiévrant les zazous dans une cave du Quartier latin ; ou l’intelligentsia française de l’après-guerre se déchiquetant sans merci sous l’arbitrage implacable de la revue sartrienne,
Les Temps modernes.
Après Iris Murdoch (1), voici qu’une autre Britannique, Sarah Bakewell, s’attache à son tour à ressusciter l’aventure intellectuelle de l’existentialisme, « une philosophie à l’audience internationale mais demeurée intrinsè...