Mariés au bord de la crise de nerfs

Dans sa dernière BD autobiographique, l’Américain Adrian Tomine décortique avec humour et tendresse les préparatifs de son propre mariage.

Sweet (« tendre »). Tel est l’adjectif qui revient le plus dans la presse américaine pour décrire la dernière bande dessinée d’Adrian Tomine. Étonnant, pour un auteur plutôt connu pour ses histoires austères et sarcastiques, mettant en scène des jeunes gens mal dans leur peau, égoïstes, jaloux, mesquins. « D’habitude, les personnages de Tomine semblent être étrangers au bonheur ou même à la satisfaction », rappelle The Economist en se référant à la série la plus connue de l’auteur, Optic Nerve. Mais avec Scènes d’un mariage imminent, Tomine a décidé de s’offrir un « détour amusant ».

L’idée est née d’un petit recueil que le dessinateur avait offert aux invités de son propre mariage. Devant l’enthousiasme général – un peu irrité quand même d’en trouver un exemplaire en vente sur eBay –, il a décidé de l’étoffer et de le proposer à son éditeur. Le dessin, simple et élégant, est à la hauteur de ses œuvres antérieures. Et les dialogues se rapprochent, pour une partie de la critique, des scénarios de Woody Allen.

« Ce que Tomine décrit le mieux, résume l’hebdomadaire West Ender, c’est comment même les personnes les plus raisonnables peuvent tomber dans un état frénétique, obsessionnel compulsif. » Sarah, toujours pendue au téléphone, essaie d’organiser le mariage de ses rêves. De son côté, Adrian fait ce qu’il peut pour la satisfaire : les cours de danse, la sélection du DJ… Non sans opposer un peu de résistance : mais pourquoi diable ne peut-il porter la cravate qu’il a achetée l’an passé pour l’enterrement de sa grand-mère ? Quant à la liste des invités, le débat est sans fin. « Tu dois arrêter de croire que tu fais une faveur aux gens en ne les invitant pas », explique Sarah à Adrian, qui répond : « D’accord, mais je crois aussi que tu dois arrêter d’en profiter pour te réconcilier ou reprendre contact avec tous les gens que tu as rencontrés dans ta vie. »

Le couple sait qu’il est privilégié et reste toujours sceptique face à l’agitation démesurée que provoque ce mariage. Malgré tout, les futurs époux ne peuvent s’empêcher de se prendre au jeu. « C’est ce semi-détachement, la distance ironique des tourtereaux vis-à-vis des traditions, auxquelles ils cèdent pourtant, qui font de l’ouvrage une réussite : à la fois tranchant et tendre, blasé mais excité », conclut l’article du West Ender.

« Le moment le plus fort du livre, estime pour sa part The Daily Cross Hatch, survient quand la fête est finie. Comme pour nous rappeler qu’une fois que le DJ a éteint ses platines et que le bar est fermé, il ne reste plus que deux personnes, qui se sont promises l’une à l’autre. » Il est plus de quatre heures du matin. Assis sur le lit de l’hôtel où ils ont prévu de passer leur nuit de noce, Sarah et Adrian mangent, affamés, et se regardent. « P…, dit Tomine, on est mariés. »

LE LIVRE
LE LIVRE

Scènes d’un mariage imminent de Mariés au bord de la crise de nerfs, Delcourt

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