Meilleures ventes en Turquie – Entre deux rives

L’engouement actuel pour l’« ottomania », ces grandes fresques nostalgiques sur la Sublime Porte, n’empêche pas les lecteurs turcs de plébisciter aussi l’avant-garde littéraire.

1 Ahmet Ümit, Sultanı Öldürmek (« Assassiner le Sultan »), Everest Yayıncılık

2 Jean-Christophe Grangé, Sisle Gelen Yolcu ( Le Passager), Doğan Kitap

3 Turgut Özakman, Su Çılgın Türkler (« Ces dingues de Turcs »), Bilgi Yayınları

4 Iskender Pala, Od (« Feu »), Kapı Yayınları

5 David Nicholls, Bir Soru Bir Aşk ( Pourquoi pas ?), Pegasus Yayınları

6 John Verdon, Gözlerini Sımkısı Kapat ( N’ouvre pas les yeux), Koridor Yayınları
7 Buket Uzuner, Su (« Eau »), Everest Yayıncılık

8 Canan Tan, Issız Erkekler Korosu (« Le chœur des hommes en fuite »), Altın Kitaplar

9 Patti Smith, Hayalperestler (Just kids), Domingo Yayıncılık

10 Murathan Mungan, Askin cep defterin (« Le journal intime de poche »), Metis Yayınları

Radikal, 22 juin 2012.

Publié chaque semaine dans le supplément Livres du quotidien Radikal, le classement des meilleures ventes en Turquie, souvent dominé par les ouvrages d’actualité et de politique, fait cette fois la part belle à la littérature. Bien sûr, le pays n’échappe pas aux grands bestsellers internationaux, des Américains David Nicholls et John Verdon au Français Jean-Christophe Grangé. Mais les écrivains turcs ne sont pas en reste. Solidement installé en tête des ventes, Ahmet Ümit est un habitué du succès. Cet auteur prolifique, poète, romancier, considéré comme le maître turc du polar, avait brossé, dans Le Pantin (éditions du Rocher, 2008), le portrait d’un journaliste aux prises avec l’État profond, ce réseau d’organisations criminelles qui agissent dans l’ombre de l’État turc. Il revient avec Sultanı Öldürmek (« Assassiner le Sultan »), une enquête policière qui se déroule à l’époque ottomane. L’opus s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires depuis le début de l’année, signe de l’« ottomania » qui revient en force dans le pays.

Turgut Özakman, troisième de cette liste, prend lui aussi l’histoire – plus récente – pour toile de fond, mais de façon bien moins littéraire qu’Ahmet Ümit. Avec Su Çılgın Türkler (« Ces dingues de Turcs »), il fait revivre à ses lecteurs le débarquement de l’armée d’Ankara dans le nord de Chypre en 1974, en réponse à une tentative d’annexion de l’île par la Grèce. Un docu-roman politico-historique qui contient tous les ingrédients d’un succès populaire. L’auteur en a déjà écrit beaucoup, en utilisant la même recette. Son épopée à la gloire de la Turquie flatte un sentiment nationaliste très répandu. D’autant plus que l’histoire reste d’actualité. L’île, près de quarante ans plus tard, est toujours divisée entre Chypriotes grecs et turcs. Et les récentes découvertes de gisements d’hydrocarbures au large des côtes ont de nouveau tendu les relations entre les deux gouvernements.

Troisième auteur le plus lu du pays en 2011, spécialiste de la poésie ottomane, l’universitaire et écrivain Iskender Pala, proche de la mouvance islamiste, n’hésite pas lui non plus à exploiter la veine nostalgique. En début d’année, il a déclenché une vaste polémique dans les milieux artistiques en suggérant que la Turquie devait promouvoir un « art conservateur ». Avec Od (« Feu »), il rend un vibrant hommage à Yunus Emre, poète soufi du XIVe siècle.

Quant au talentueux romancier Murathan Mungan, il ne correspondra sans doute pas aux critères de « bonne moralité » exaltés par Pala. Cet écrivain kurde et homosexuel déclaré vient de signer « Le journal intime de poche » (Askin cep defteri), un petit recueil d’aphorismes sur l’amour, qui connaît, comme chacune de ses publications, un beau succès.

Laure Marchand est journaliste, correspondante pour plusieurs médias français à Istanbul.
 

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