Publié dans le magazine Books n° 55, juin 2014. Par Javier Gomá Lanzón.
C’est celle de ses œuvres que Thomas Mann aimait le plus : Tonio Kröger, récit méconnu écrit en 1903, quand le futur prix Nobel n’avait qu’une vingtaine d’années. Il y révèle une créativité fébrile, mais encore mal disciplinée. Surtout, il y surmonte avec une belle audace les obsessions du romantisme finissant. Avec le recul, le texte apparaît comme le manifeste d’une littérature pour le XXe siècle.
En 1930, quelques mois à peine après avoir reçu le Nobel de littérature, Thomas Mann publiait dans la revue
Die Neue Rundschau un court texte autobiographique. Le prix, comme mentionné sur le diplôme qu’on lui avait remis au cours de la cérémonie, lui avait été décerné pour son premier roman
Les Buddenbrook, qui lui avait valu très jeune une notoriété mondiale, et cela alors même qu’avaient succédé des œuvres comme
Mort à Venise ou
La Montagne magique, aujourd’hui considérées comme des classiques de la littérature universelle. On ne peut donc qu’être surpris par l’une des confidences que le romancier glisse dans cet article autobiographique. Évoquant sa pièce de théâtre Fiorenza, il écrit : « Elle avait été précédée par un recueil de nouvelles, contenant le récit qui aujourd’hui encore est peut-être, de tout ce que j’ai écrit, celui qui m’est le plus cher et qui plaît le plus aux jeunes :
Tonio Kröger. »
Ainsi donc, ce petit récit écrit en 1903 par un jeune homme ...