Apolitique, Samuel Beckett ?

Une certaine doxa fait de Beckett un écrivain de l’au-delà de la politique. La réalité est bien différente. Sa vie mais aussi son œuvre en témoignent.


© Roger Pic

Samuel Beckett (ici en 1977) a toujours refusé de voir ses pièces jouées devant des publics séparés en Afrique du Sud, du temps de l'apartheid.

Dans la notice-fleuve consacrée à Samuel Beckett dans la version française de Wikipédia, la section consacrée à ses « Engagements politiques » est vide. Voilà de quoi la remplir. Jusqu’à présent, la plupart des commentateurs, de Maurice Blanchot à Theodor Adorno, ont considéré que l’œuvre de Beckett était essentiellement apolitique, installée dans un ailleurs de la dérision et de l’absurde. Adorno écrivait par exemple qu’il serait « ridicule de vouloir faire appel à lui en tant que témoin politique majeur ». Beckett a lui-même accrédité cette thèse. En Mai 1968, il est resté coi, dans son appartement du boulevard Saint-Jacques, à deux pas d’événements qu’il ne daigne pas même mentionner dans sa correspondance. Quand on lui demande neuf ans plus tard s’il s’est jamais engagé poli­tiquement, il répond par ce trait bien à lui : « Non, mais j’ai ­rejoint la Résistance. » Ce qui aurait tout de même pu éveiller l’attention. En 1940, l’écrivain (il a déjà publié Murphy, en anglais), préfère rentrer à Paris plutôt que de rester dans son Irlande neutre. Il s’engage dans la Résistance le 1...
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Beckett’s Political Imagination de Émilie Morin, Cambridge University Press, 2017

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