Arthur, Lancelot et tous les autres
Publié dans le magazine Books n° 121, septembre-octobre 2022. Par Baptiste Touverey.
La légende arthurienne imprègne l’imaginaire occidental comme aucune autre création littéraire du Moyen Âge. Comment expliquer un si durable et prodigieux succès ? Sans doute par la sublimation d’un vieux fond mythique celte au moyen d’éléments chrétiens originaux et, souvent, géniaux.

Entre les littératures persane et française du Moyen Âge existe un étrange parallèle. Elles éclosent à peu près au même moment et connaissent pendant deux siècles une évolution étonnamment comparable. L’épopée fondatrice de l’Iran, le Shâhnâmeh (Livre des rois), est composée aux alentours de l’an 1000 par Ferdowsi 1. Notre épopée fondatrice à nous, La Chanson de Roland, est à peine postérieure. On la doit à un clerc du XIe siècle resté anonyme. Certes, la première est d’une ampleur sans commune mesure avec la seconde (plus de 60 000 vers contre environ 4 000), mais, dans les deux cas, on chante avant tout les exploits de héros guerriers à travers lesquels se cristallise l’identité d’une nation.
À peine quelques générations plus tard, le goût a changé, s’est affiné, et c’est là que la similitude des cheminements littéraires a de quoi stupéfier : aussi bien en France qu’en Iran, fini l’épopée, place ...