Publié dans le magazine Books n° 92, novembre 2018. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Les ermites se sont mis à pulluler à partir du IVe siècle dans les déserts du Proche-Orient. En prévision de l’Apocalypse, mais sans doute aussi en réaction au christianisme institutionnel de l’Empire romain.
Dans le désert égyptien, saint Pierre s'alimenta pendant cinquante ans de cinq figues par jour. Une fois par an, il s’octroyait un petit pain. Un record ? Même pas. Saint Paul de Thèbes, dans sa thébaïde, ne se contentait-il pas de cinq figues lui aussi, mais sans petit pain annuel ? Saint Arsène s’en tenait pour sa part à deux prunes et à une figue quotidiennes, qu’en plus il faisait d’abord pourrir. Comme le rappelle Jacques Lacarrière dans l’ouvrage qu’il a consacré à ces « hommes ivres de Dieu », on a fini par mettre la barre à sept figues par jour – huit, c’était de la gourmandise ; six, de l’ostentation orgueilleuse (1). Quant à saint Benjamin, il n’a mangé tout au long de sa longue vie que des lentilles trempées dans l’eau, avec une goutte d’huile. D’autres, saint Ephrem en tête, ne se nourrissaient que d’herbes et de racines ; on les appelait les « brouteurs », et ils n’étaient pas très populaires car ils concurrençaient le bétail. Enfin il y avait ceux qui, comme saint Palamon, faisaient cuire leurs herbes et les assaisonnaient de cendres. On ...