Ces prunelles pâles qui me contemplent fixement

Masahisa Fukase a photographié de façon obsessionnelle sa femme, son père, des corbeaux, ses chats, et finalement lui-même. Désir d’être l’autre ? De le faire sien ? Ou encore de capter ce qui le lie à son sujet ? Longtemps méconnu en Occident, l’énigmatique Fukase est l’un des représentants les plus célébrés de cette « nouvelle photographie japonaise », libre et crue, née dans les années 1960.

Arrêt sur image, 1992. Masahisa Fukase, 58 ans, vient de recevoir dans son île natale de Hokkaidō le Prix spécial Higashikawa : une nouvelle récompense pour l’un des photographes les plus en vue au Japon. Ses séries monomaniaques sur sa femme, son vieux père, sa famille, les corbeaux et les chats ont été exposées et publiées avec succès dans l’archipel : il est l’artiste déjanté de la solitude, du désespoir, de l’autodérision.
En Occident, des connaisseurs le suivent depuis qu’il a été invité par le Museum of Modern Art de New York, en 1974, à présenter la « nouvelle photographie japonaise ». On le cite, aux côtés de Nobuyoshi Araki, comme l’un des chefs de file de ce mouvement issu des années 1960. Tous deux sont nés dans le Japon en guerre des années 1930 et 1940 et ont mûri dans un pays euphorisé par sa croissance – ils osent un regard cru, éprouvant, libre. Affranchi, en ce qui concerne Fukase, des codes de cette photographie de studio guindée pratiquée par son grand-père et son père, qu’il é...

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Sasuke de Masahisa Fukase, Xavier Barral, 2021

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