L’enfer, c’est demain

Entre la terrifiante description de l’enfer par un prêtre catholique dans un roman de James Joyce et l’enfer sur Terre que nous promet le changement climatique, il y a une continuité qui vaut d’être affirmée. La rhétorique d’un épouvantable au-delà est légitime, voire nécessaire.


© Gianni Dagli Orti / Collection Dagli Orti / Aurimages

Un mort réprouvé se dirige vers l’enfer. Détail du Jugement dernier (vers 1445-1448), retable du primitif flamand Rogier Van der Weyden, dit aussi Rogier de La Pasture.

Dans son roman à clé Portrait de l’artiste en jeune homme, publié en 1916, James ­Joyce fait savourer à son lecteur les tourments éternels de l’enfer. L’adolescent Stephen Dedalus, alter ego de l’auteur, subit le sermon enflammé du père jésuite Arnall : « L’enfer est une prison étroite, sombre et fétide, un ­séjour de démons et d’âmes perdues, plein de flammes et de fumée. »1 Jusque-là, cela va encore, la description entre en résonance avec la conception populaire de la perdition 2. Mais le père Arnall y ajoute une précision de son cru, des plus dérangeantes : dans l’enfer, observe-t-il, les damnés sont si entassés les uns sur les autres qu’ils n’ont absolument aucune liberté de mouvement. « Ils n’ont même pas la possibilité d’écarter de leur œil un ver qui les ronge », dit-il 3.   Devant l’assemblée des fidèles, le ­jésuite persévère, se lançant dans des descriptions de plus en plus baroques de cet au-delà infernal, qui « brûle éternellement dans l’obscurité », qui ...
LE LIVRE
LE LIVRE

La Terre inhabitable de David Wallace-Wells, traduit de l’anglais par Cécile Leclère, Robert Laffont, 2019

SUR LE MÊME THÈME

Dossier L’ère du traumatisme
Dossier La nouvelle guerre froide
Dossier La nouvelle Inquisition

Aussi dans
ce numéro de Books