Publié dans le magazine Books n° 91, septembre/octobre 2018. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Un livre publié aux États-Unis en 1928 et tombé dans l’oubli décrit les ficelles de la propagande et de la publicité avec une acuité parfaitement actuelle. Il avait eu pour lecteur un certain Goebbels…
La propagande, pouah ! Mais le mot n’a pas toujours dégagé une vilaine odeur, explique l’Américain Edward Bernays, premier grand théoricien des relations publiques. L’Église s’adonne depuis toujours à la
propaganda fide, la « propagation de la foi » ; et Napoléon lui-même était un utilisateur enthousiaste et un virtuose des techniques de manipulation de l’information. Cependant, pendant la Première Guerre mondiale, les propagandistes sont tombés dans l’excès, estime Bernays, diabolisant systématiquement le Boche et exaltant sans mesure l’« affrontement transcendantal » entre « civilisation » atlantique et « barbarie » prussienne. Ces dérives n’empêchent pas que « l’étonnant succès que la propagande a rencontré pendant la guerre a ouvert les yeux d’une minorité d’individus intelligents sur les possibilités de mobiliser l’opinion pour quelque cause que ce soit ».
C’est pourquoi Bernays se donne pour mission de faire la propagande de la propagande. La société est en effet devenue si complexe, explique-t-il, que « si tous les citoyens devaient étudier par eux-mêmes l’ensemble des informations d’ordre économique, politique et moral en jeu dans le moindre sujet, ils se rendraient vite compte ...