Il n’y a pas de quoi avoir peur

Ils volaient aux frontières de la mort, et rien de ce qui avait au fil des ans tissé autour de lui un impénétrable cocon n’avait plus aucune importance. Sa solitude était comme une pierre moussue qui se serait soudain mise à rouler à toute allure, faisant valser tout ce qui la recouvrait. D’un geste protecteur, il posa sa main adoucie par des années de confort sur la joue de la femme.

L’homme était assis depuis un moment sur son siège quand il sentit qu’on lui tirait la manche. Il sursauta, étonné, les contacts physiques lui étaient devenus étrangers, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas senti quelqu’un le toucher, le solliciter. L’inconnue avait posé la main sur son bras. Il se tourna vers elle, la regardant réellement pour la première fois. Il vit un visage étroit aux traits fins sous un chapeau de voyage noir, encadré par la fourrure grise d’une étole. Des yeux grands ouverts le fixaient sans timidité. La femme fit un signe de tête vers le hublot, ses lèvres formèrent un mot : « Regardez. » Mais le grondement des moteurs couvrait sa voix. L’homme regarda. L’avion montait en oblique vers les nuages. La terre s’étendait sous eux à l’infini, inclinée, et la silhouette de la grande ville s’estompait peu à peu dans la brume. Sur les routes, qui, tels des rubans rectilignes gris acier, découpaient le paysage en parallélogrammes bruns et roux, progressaient dans le lointain, les unes derrière les autres, des colonnes de véhicules pareils à des jouets dérisoires. ...
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Ce genre de choses n’arrive jamais de Mika Waltari, Actes Sud, 112

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