Publié dans le magazine Books n° 68, septembre 2015.
Les Américains sont restés bien plus fidèles que les Français au souvenir du flamboyant marquis de La Fayette. C’est un paradoxe, car ce personnage hors du commun a autant apporté à notre pays qu’aux États-Unis.
« Lafayette, nous voilà ! » déclara le lieutenant-colonel Charles E. Stanton sur la tombe du célèbre marquis, au cimetière Picpus à Paris, le 4 juillet 1917. Comme beaucoup d’Américains entrés cette année-là dans la Grande Guerre, le lieutenant-colonel avait à l’esprit la dette que son pays avait envers la France et plus particulièrement le bouillant jeune homme qui avait aidé l’Amérique à se débarrasser des Anglais. Les Américains, peu férus de subtilités aristocratiques, écrivent « Lafayette » et non « La Fayette » le vrai nom de noble de Gilbert du Motier. Mais ils l’ont toujours plus honoré que les Français. Sa mort, en 1834, fut saluée avec une relative discrétion à Paris, tandis qu’aux États-Unis, le président Jackson décrétait un deuil national, avec drapeaux en berne et crêpe aux monuments publics ; et l’ancien président Quincy Adams prononça au Congrès une oraison funèbre de trois heures. Dix ans plus tôt, le président Monroe avait invité le marquis, alors âgé de 66 ans, à venir aux États-Unis ; et réitéré son invitation en ces termes : « Je vous ai écrit il y a une...