Comment Noëlla Rouget fit gracier son bourreau

Ancienne déportée de Ravensbrück, la résistante Noëlla Rouget s’opposa avec détermination à la condamnation à mort de l’homme qui l’avait dénoncée, le tortionnaire Jacques Vasseur.

Arrêtée à Angers en juin 1943 à l’âge de 23 ans, Noëlla Peaudeau est déportée en janvier 1944 au camp de concentration de ­Ravensbrück. Elle a été dénoncée par Jacques Vasseur, un fils de bourgeois qui a fait HEC.   Fasciné par le nazisme, germanophone, il s’est fait embaucher par la Gestapo d’Angers et infiltre les réseaux de résistance de l’ouest de la France. Il participe aux séances de torture, auxquelles il prend un plaisir évident 1. Noëlla est confrontée à son fiancé, arrêté deux ­semaines plus tôt. Il est défiguré et sera fusillé peu après.   À Ravensbrück, elle se lie avec Geneviève de Gaulle, comme elle profondément chrétienne. Elle revient du camp tuberculeuse et part se faire soigner en Suisse, où elle rencontrera son futur époux, le Genevois André Rouget.   En  septembre  1945, Vasseur, qui  a  disparu, est condamné à mort par contumace. La police française le retrouvera par hasard en 1962. Après avoir été confronté à Noëlla et à d’autres témoins, il est traduit devant la Cour de sûreté de l’État. Le procès s’ouvre le 20 octobre 1965. Noëlla et les témoins survivants se succèdent à la barre. Le 2 novembre, elle écrit au président du tribunal pour demander la grâce de son bourreau. Nous repro­duisons ici cette lettre extraordinaire. Vasseur est condamné à mort. Noëlla Rouget écrit alors au président de la République (lire ci-dessous). Le géné­ral de Gaulle se laisse fléchir et gracie le condamné, ainsi qu’un autre agent de la Gestapo, Jean Barbier.   La détermination de Noëlla suscite une réaction de rejet de la part de bon nombre d’anciennes déportées. Pour s’expliquer, elle leur écrit une lettre en 1965. Plus surprenant, elle entretiendra une correspondance avec Vasseur et mili­tera dans les années 1970 pour que sa peine soit allégée.   Sur décision de Georges Pompidou, il est libéré en 1983, puis disparaît et cesse tout contact avec elle. On apprendra plus tard qu’il est décédé en 2009 en Allemagne, où il avait refait sa vie. Noëlla Rouget doit fêter ses 100 ans ce 25 décembre.   Books Noella Rouget lettre De GaulleNoella Rouget lettre tribunal  

Notes

1. Benoît Hopquin, « La vieille dame et le collabo », Le Monde, 12 septembre 2019.

LE LIVRE
LE LIVRE

Retour à la vie. L’accueil en Suisse romande d’anciennes déportées françaises de la Résistance de Éric Monnier et Brigitte Exchaquet-Monnier, Alphil, 2013

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