Publié dans le magazine Books n° 96, avril 2019. Par Jean-Louis de Montesquiou.
En 1984, un homme condamné pour meurtre intente un procès à un auteur qu’il accuse de l’avoir berné. Une occasion de s’interroger sur le côté malsain de la relation entre un journaliste et son sujet.
Pris en tenaille entre « gilets jaunes » et
fake news, le journaliste d’aujourd’hui est malmené. Il sait ce qui est exigé de lui : déceler la vérité, puis la dire. Mais une question subsidiaire demeure : jusqu’où peut-il aller pour arracher ladite vérité ? A-t-il le droit, légalement, moralement, humainement, de circonvenir son informateur, de le duper même ? Cette question a déclenché – aux États-Unis du moins – des passions, dont la violence s’est révélée en 1987 à l’occasion d’un procès qu’a intenté la victime d’une enquête journalistique à celui qu'elle soupçonnait de l’avoir cyniquement menée en bateau.
La victime était en l’occurrence Jeffrey MacDonald, un médecin militaire accusé d’avoir assassiné sa femme et ses deux filles. Joe McGinniss, un journaliste-écrivain réputé pour ses enquêtes au long cours et ses livres de
true crime, s’empare de l’affaire. Il parvient à nouer avec son sujet une amitié apparemment sincère : Jeffrey réserve à Joe l’exclusivité de ses déclarations, lui donne accès à tous ses documents personnels, le loge chez lui, l’incorpore à son é...