« Ce peuple d’élite, sûr de lui-même… »
Publié dans le magazine Books n° 18, décembre 2010 - janvier 2011.
On se souvient du fameux discours prononcé par le général de Gaulle le 27 novembre 1967, un peu moins de six mois après la guerre des Six-Jours qui avait permis à Israël d’occuper la Cisjordanie et le Sinaï. Les mots restés dans les mémoires font partie d’un long exposé sur l’histoire d’Israël.
On se souvient du fameux discours prononcé par le général de Gaulle le 27 novembre 1967, un peu moins de six mois après la guerre des Six-Jours qui avait permis à Israël d’occuper la Cisjordanie et le Sinaï. Les mots restés dans les mémoires font partie d’un long exposé sur l’histoire d’Israël. De Gaulle se référait aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. La phrase complète est celle-ci : « Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, un peuple d’élite, sûr de lui et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : l’an prochain à Jérusalem. »
Ce discours était destiné à expliquer pourquoi la France avait décidé d’en finir avec près de trente ans de coopération active avec Israël, notamment sur le plan militaire. Paris a livré du matériel lourd, chars et avions, et aidé l’État hébreu à construire le réacteur nucléaire qui devait lui servir à acquérir l’arme atomique. Le livre d’Yitzhak Bar-On porte principalement sur les années 1948-1956, mais l’auteur fut attaché militaire à Paris de 1960 à 1962 et fut témoin des rencontres entre de Gaulle et Ben Gourion à cette époque. Des rencontres chaleureuses.
Dans ses Mémoires, de Gaulle évoque ainsi le Premier ministre israélien : « D’emblée, j’ai pour ce lutteur et ce champion courageux beaucoup de sympathique considération. Sa personne symbolise Israël, qu’il gouverne après avoir dirigé sa fondation et son combat. » Cependant, de Gaulle avait été très clair. En 1962, rapporte Yitzhak Bar-On dans son livre, il dit à Ben Gourion : « La France vous aide et continuera de vous aider à exister, mais elle ne fournira pas des armes pour occuper de nouveaux territoires. »
L’auteur révèle aussi une anecdote savoureuse : lors d’une rencontre précédente, en 1960, en pleine guerre d’Algérie, Ben Gourion proposa une « solution » à de Gaulle pour régler ce conflit : envoyer des jeunes « pionniers » français s’installer sur le territoire algérien, comme naguère les jeunes pionniers juifs dans les territoires arabes… Dans le quotidien Haaretz, Uri Dromoi salue un livre important, qui illustre aussi le fait que le « comportement d’Israël ne semble pas avoir changé » depuis les années 1950.