Dérangeant Ovide

Et si l’auteur des Métamorphoses n’était finalement pas un poète si superficiel qu’on le dit ?

Aux côtés de Virgile et Horace, Ovide est sans doute le plus fameux des poètes latins, mais il est convenu de le considérer avec une légère condescendance dans le monde universitaire. La principale raison à cela ? « Le sentiment troublant qu’il était trop malin, notamment en comparaison des poètes prétendument plus sombres et magnifiques de la génération précédente, Virgile et Horace », estime Dennis Feeney dans le Times Literary Supplement. Son humour et sa fantaisie sont pris pour des marques de superficialité. Pour Feeney, qui enseigne le latin à l’université de Princeton, il est temps de réhabiliter l’auteur insaisissable des Métamorphoses. Précisément parce que « l’intelligence pénétrante d’Ovide continue d’être déstabilisante. À peine croit-on pouvoir réduire ses traits d’esprit à de simples saillies que l’on découvre à quel point on a radicalement sous-estimé leur portée ».

Pour étayer son point de vue, Feeney s’appuie sur le commentaire que propose l’universitaire Jennifer Ingleheart de la lettre en vers que, dans ses Tristes, le poète adresse à Auguste. L’empereur vient de l’exiler sur les rivages inhospitaliers de la mer Noire, officiellement à cause de l’amoralité de son Art d’aimer. Ovide se défend en expliquant que beaucoup de poètes avant lui ont écrit sur l’amour sans être inquiétés. Et de citer Sappho, ce qui est assez attendu, mais également l’Iliade et l’Odyssée, ce qui l’est beaucoup moins. Qu’est-ce que l’Iliade, demande-t-il, sinon l’histoire d’un adultère et de la passion d’Achille pour l’esclave Briséis ? Puis d’analyser la tragédie comme un genre dédié à d’aberrantes passions érotiques et de souligner l’obsession sexuelle de toute la littérature romaine.

Pour Feeney, « montrer ainsi que toute littérature tourne autour du sexe » est exactement le genre de choses qui, malgré leur pertinence, « irritent les latinistes et les poussent à ne pas prendre Ovide au sérieux ».

LE LIVRE
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A Commentary on Ovid, Tristia, Book 2 de Jennifer Ingleheart, Oxford university press, 2010

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