L’énigme polynésienne
Publié dans le magazine Books n° 101, octobre 2019. Par Amandine Meunier.
Les Polynésiens sont apparentés génétiquement aux peuples aborigènes de Taïwan. C’est de là que sont partis il y a plusieurs milliers d’années des navigateurs hors pair. Ils ont colonisé l’Indonésie avant d'essaimer dans tout le Pacifique Sud, d’atteindre l’île de Pâques aux alentours du Xe siècle et la Nouvelle-Zélande 300 ans plus tard. Pourquoi ces explorateurs n’ont-ils pas poursuivi leur périple ? Et pourquoi, au départ, ont-ils quitté le sud-est asiatique ?
Le peuplement de la Polynésie
L'Américano-australienne Christina Thompson, rédactrice en chef de la Harvard Review et mariée à un Maori, évoque ces deux pièces manquantes de l’histoire de la Polynésie dans Sea People. Mais son ouvrage n’est pas une histoire du peuplement de la Polynésie. Elle explore l’histoire de cette histoire : comment a-t-on découvert l’origine de ce peuple ? « Sea People est, au fond, un conte sur l’histoire du savoir : comment on l'acquiert, comment on le vérifie ou on le conteste et comment, surtout, il est façonné par les créateurs de savoir », note le journaliste Oliver Balch dans The Spectator.
Thompson adopte une démarche chronologique, de Magellan et de Cook jusqu’aux analyses ADN du XXIe siècle. Elle montre que, encore au XXe siècle, en raison de leurs préjugés, les Occidentaux doutaient des liens entre les populations des différentes îles. Comment ces hommes sans écriture et sans outils en fer auraient-ils réussi à se diriger dans l’immensité du Pacifique ? Pourtant toutes les informations nécessaires à la compréhension de cette tranche d’histoire mondiale étaient présentes dans l’histoire orale, les mythes et les savoir-faire ancestraux des habitants de la région.
Une langue commune
Les véritables héros du livre sont par conséquent les hommes qui ont réussi à franchir les barrières culturelles. Et le premier d’entre eux est Tupaia, un Polynésien originaire des îles Sous-Le-Vent qui, à l’été 1769, s’embarque sur le navire du capitaine Cook. Transmettant ses connaissances à l’explorateur britannique, il lui permet de « découvrir » d’autres îles du Pacifique et notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande. C’est surtout lui qui donne le premier indice d’une origine commune des peuples polynésiens en conversant sans peine avec les Maoris. Les deux peuples, séparés par des milliers de kilomètres d’océan, ont presque la même langue.
À lire aussi dans Books : 438 jours à la dérive, juillet-août 2016.