Freudomachies et guerres picrocholines

En s’en prenant à la statue de Freud au nom de la critique historique, le philosophe Michel Onfray a mis sa popularité au service d’une cause légitime. Mais il en fait un peu trop. Paradoxalement, le caractère excessif de certains de ses propos a pour effet de conforter la légende freudienne.

La publicité pour l’une des nouvelles traductions de Freud en français le proclame fièrement : « Freud, ça déchire toujours ! » On ne saurait mieux dire. La psychanalyse est une théorie clivante, dissensuelle, qui attise sans cesse des guerres – les Freud wars, comme on les appelle dans les pays anglo-saxons, la « guerre des psys » en France. C’était vrai déjà il y a un siècle, au moment des violentes controverses qui avaient entouré les débuts du mouvement freudien. Usant de termes martiaux, Freud parlait à l’époque de « conquérir » la psychiatrie allemande. Son disciple Sándor Ferenczi, en 1910, justifiait la création de l’Association internationale de psychanalyse par la nécessité pour les freudiens de « faire la guerre » contre des adversaires déchaînés. Ces derniers n’étaient pas en reste. Le psychiatre Alfred Hoche dénonçait la « secte » psychanalytique et son caractère « épidémique », Emil Kraepelin raillait les « châteaux en l’air » des freudiens et appelait ses collègues à condamner les théories de Freud (1). D’autres proposaient de boycotter les cliniques où se pratiquait la psychanalyse. Il y eut même, en 1912, une série d’é...
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Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne de Freudomachies et guerres picrocholines, Grasset

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