Glabre comme un goy

Gary Shteyngart, écrivain américain à la pilosité fournie, s’est fait une raison : jamais il n’aura le visage doux comme les fesses d’un bébé. Alors à quoi bon se raser ?

Je ne me rase quasiment ­jamais. À quoi bon ? Le lendemain de ma bar-mitsva, je me suis réveillé couvert de poils. Pas seulement un petit duvet au-dessus de la lèvre supé­rieure. En l’espace d’une nuit, je n’avais plus l’air d’un enfant angélique et songeur mais d’un colon de Cisjordanie particulièrement radi­cal. Il m’était aussi poussé des seins, mais je réserve ça à un autre magazine. Me raser ? Je n’ai pas le temps. Je me réveille et j’ai une mini-crise cardiaque. Je passe une heure au lit à étreindre mon cœur velu d’une main non épilée. Est-ce que je dois commander un Uber pour aller à mon hôpital juif du coin, Beth Israel sur la Première Avenue, et y retrouver d’autres boules de poils au cœur brisé ? Ma crise cardiaque se transforme en une sorte d’angoisse hirsute. Le monde tourne autour de moi à la juive. Je veux retourner sur la terre de mon peuple, mais ­Brooklyn est loin, là-bas, de l’autre côté de l’East River. Je mange un biscuit fourré et j’essaie de me calmer. ...
LE LIVRE
LE LIVRE

Le Livre de la connaissance de Moïse Maïmonide, PUF, « Quadrige », 2013

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