La revanche de Vassili Grossman
Publié dans le magazine Books n° 29, février 2012.
Quand, en octobre 1960, Vassili Grossman envoie le manuscrit de Vie et destin au rédacteur en chef de la revue Znamia, celui-ci le transmet immédiatement au KGB. L’appartement de l’écrivain est perquisitionné, les copies, les brouillons et jusqu’aux rubans encreurs de la machine à écrire sont saisis. Grossman vit la dépossession de son roman, fruit de dix années de travail, comme une catastrophe personnelle.
Quand, en octobre 1960, Vassili Grossman envoie le manuscrit de Vie et destin au rédacteur en chef de la revue Znamia, celui-ci le transmet immédiatement au KGB. L’appartement de l’écrivain est perquisitionné, les copies, les brouillons et jusqu’aux rubans encreurs de la machine à écrire sont saisis. Grossman vit la dépossession de son roman, fruit de dix années de travail, comme une catastrophe personnelle. Il meurt trois ans plus tard d’un cancer.
Dans cette immense fresque, le romancier dépeint la société soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y établit notamment un parallèle entre les systèmes totalitaires nazi et communiste, et met en évidence leur antisémitisme commun. En 1974, le poète Semion Lipkine, le physicien Andreï Sakharov et l’écrivain Vladimir Voïnovitch réussissent à faire sortir le roman de l’URSS, sur microfilms. Le texte paraît en petit tirage et en russe chez l’éditeur suisse L’Âge d’Homme, avant d’être traduit en plusieurs langues. En 1988, au moment où la perestroïka bat son plein, le livre est enfin publié en URSS.
Au Royaume-Uni, après la diffusion par la BBC, fin septembre 2011, de la pièce radiophonique adaptée du roman, le livre s’est retrouvé pendant quelques jours en tête des ventes sur Amazon. En Russie, en revanche, « peu de lecteurs portent de l’intérêt à l’œuvre de Grossman », constate Lev Dodine dans l’hebdomadaire Itogui. La faute à une société qui « emploie toute son énergie à renier son propre passé ».