Décimée par près de vingt ans de répression, l’intelligentsia russe a connu un bref renouveau entre 1956 et 1964, profitant de la déstalinisation engagée par Khrouchtchev. La plupart des membres de cette classe instruite n’étaient pas alors des dissidents : issus d’universités destinées à former les « cadres culturels » du régime, ils restaient fidèles au marxisme-léninisme et sincèrement patriotes.
Dans Z
hivago’s Children, l’historien Vladislav Zubok brosse le portrait de cette génération relativement privilégiée. Et souligne la filiation entre ces intellectuels et ceux qui avaient défié le tsarisme finissant et su développer une pensée critique autonome avant que la chape de plomb stalinienne ne s’abatte sur eux : Boris Pasternak, bien sûr, mais aussi le peintre Vladimir Kandinsky et la poétesse Anna Akhmatova. L’émotion provoquée par la mort de Pasternak, en 1960, en témoigne : comme l’écrit Douglas Smith dans le
Seattle Times, l’événement « n’attira guère l’attention des autorités, mais des centaines de personnes assistèrent aux funérailles, qui furent selon Zubok l’occasion de ...