Publié dans le magazine Books n° 71, décembre 2015. Par Keith Lowe.
En retraçant la contre-attaque d’Hitler dans les Ardennes en 1944, un historien britannique lève le voile sur l’un des derniers tabous de la Seconde Guerre mondiale : les massacres de prisonniers allemands par les Alliés.
Antony Beevor connaît des nuits sans sommeil. Lorsque je l’ai rencontré, chez lui, dans l’ouest de Londres, il me l’a avoué avec simplicité, et ni lui ni moi n’y trouvons rien d’anormal. Pour nous, il va de soi que tout historien qui s’immerge dans l’étude de la Seconde Guerre mondiale, comme nous l’avons fait durant l’essentiel de notre vie, est condamné aux insomnies.
Les siennes, me raconte-t-il, ont tendance à le frapper pendant les périodes de recherches intenses ou quand il s’apprête à écrire sur l’un des aspects troublants de la guerre. « Bien entendu, il ne faut pas se laisser submerger tout de suite, car nous devons consigner les faits avec objectivité, explique-t-il. Mais, quelques nuits plus tard, on se réveille brusquement, au beau milieu de la nuit, et il y a là quelque chose qui vous travaille. »
Beevor, il est vrai, a traité au fil des ans des sujets particulièrement sombres. Son histoire de la bataille de Stalingrad, qui l’a propulsé sous les projecteurs en 1998, raconte l’une des campagnes les plus féroces de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur admet que plusieurs...