Publié dans le magazine Books n° 25, septembre 2011. Par Anthony Daniels.
Difficile d’imaginer auteurs de romans policiers plus dissemblables ! Hanté par la guerre et l’injustice, Georges Simenon compatit avec ses criminels, qui nous ressemblent. Issue de la bonne société britannique, Agatha Christie s’amuse d’un ordre social qui lui convient et n’hésite pas à juger ses personnages. Elle rassure, il dérange. Ils nous aident à vivre.
Les Anglais ont toujours su apprécier un bon meurtre ; mais qu’est-ce, exactement, qu’un bon meurtre ? Comment le distingue-t-on de sa variante banale ? L’écrivain romantique Thomas De Quincey tenta de répondre à cette délicate question dans son célèbre essai paru en 1827,
De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts : « Les gens commencent à voir qu’il entre dans la composition d’un beau meurtre quelque chose de plus que deux imbéciles – l’un assassinant, l’autre assassiné –, un couteau, une bourse et une ruelle obscure. Le dessein d’ensemble, messieurs, le groupement, le clair-obscur, la poésie, le sentiment sont maintenant tenus pour indispensables dans les tentatives de cette nature (1). »
Près de cent vingt ans plus tard, George Orwell revint sur le sujet dans un article intitulé « Decline of the English murder » (« Le déclin du meurtre à l’anglaise »). Il y déplorait le caractère médiocre, sordide, impulsif, américain du meurtre moderne et situait l’âge d’or britannique de ladite activité entre 1850 et 1925. Aucun de nos assassinats nouvelle manière ne pouvait, disait-il, rivaliser avec « le vieux spectacle des empoisonnements domestiques, produits d’une société ...