Publié dans le magazine Books n° 77, juin 2016.
Les sigisbées sont une spécificité de l’histoire italienne. Ces chevaliers servants n’avaient pourtant rien de libertins. Ils ont permis l’émancipation des femmes de l’aristocratie.
« Ce n’est pas parce que quelques femmes eurent des amants mais parce qu’aucune femme ne put paraître en public sans son amant que les Italiens cessèrent d’être des hommes. » Tel était le verdict sans appel de Sismondi au sujet des sigisbées, ces « chevaliers servants » qui expliquaient selon lui tous les maux de la péninsule. L’économiste suisse n’était pas seul à s’offusquer du rôle très public de ces hommes qui accompagnaient leur dame en toute circonstance – au théâtre, dans les salons, en promenade et jusque dans la maison du mari, où ils étaient semble-t-il comme chez eux. Mais, à l’époque où écrivait Sismondi (en 1818), tout cela semblait déjà de l’histoire ancienne. Selon l’historien Roberto Bizzocchi, le phénomène des sigisbées (un néologisme forgé au XVIIIe siècle) ne dura que le temps de ce settecento et resta cantonné à une classe bien précise : l’aristocratie citadine, surtout dans le Nord.
« Le sigisbéisme avait la capacité de concilier l’exigence de renouveau partagée par les élites du pays avec les impératifs de la tradition », souligne Benedetta Craveri dans la
Repubblica.