Quand l’homme apprivoisait la montagne

L’universitaire suisse Jon Mathieu a entrepris dans Die dritte Dimension de cerner « ce qui est le propre des montagnes, ou plus exactement : comment l’homme les a perçues, occupées, utilisées, vénérées, craintes et asservies » au cours de l’histoire, résume Caroline Schnyder dans le Neue Zürcher Zeitung. « Quantité de livres ont bien sûr été écrits sur le sujet, constate pour sa part Michael Böhm dans le Süddeutsche Zeitung. Mais c’est la première fois qu’une enquête de ce genre adopte une perspective globale, historique, analytique et comparative, au lieu de s’intéresser uniquement à une chaîne ou un massif donné. »

L’universitaire suisse Jon Mathieu a entrepris dans Die dritte Dimension de cerner « ce qui est le propre des montagnes, ou plus exactement : comment l’homme les a perçues, occupées, utilisées, vénérées, craintes et asservies » au cours de l’histoire, résume Caroline Schnyder dans le Neue Zürcher Zeitung. « Quantité de livres ont bien sûr été écrits sur le sujet, constate pour sa part Michael Böhm dans le Süddeutsche Zeitung. Mais c’est la première fois qu’une enquête de ce genre adopte une perspective globale, historique, analytique et comparative, au lieu de s’intéresser uniquement à une chaîne ou un massif donné. »

Mathieu nous apprend notamment que l’Europe fut longtemps assez indifférente à ses montagnes : le christianisme séparant strictement Dieu et la nature, celles-ci n’étaient pas divinisées comme en Asie ou dans l’Amérique précolombienne, mais considérées comme des lieux dangereux et inhospitaliers. Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour que les Occidentaux se mettent à « sacraliser » eux aussi leurs sommets, en les hérissant de calvaires et de croix – celles qui furent dressées dans les Alpes autrichiennes durant les guerres napoléoniennes devaient, par exemple, encourager les paysans à repousser ces mécréants de Français…

Les Grandes Découvertes ont changé la donne. Car, note Schnyder­, « la perception des montagnes comme une entité en soi présuppose la conquête des surfaces planes ». La découverte du plus haut sommet du monde, qui s’amorce alors, peut ainsi être considérée comme le « pendant vertical » d’une appropriation préalable des « espaces horizontaux ». Une quête qui a connu de nombreux rebondissements : au XVIIe siècle, le géographe allemand Bernhard Varenius fait du pic de Teide, dans les Canaries, le point culminant de la Terre (à 3 700 mètres…). À partir du milieu du XVIIIe siècle, ce titre revient au Chimborazo, dans les Andes. « L’Asie n’entre dans la partie qu’au début du XIXe siècle, rapporte Schnyder. C’est d’abord le Dhaulagiri népalais qui est déclaré le plus élevé de la planète, avant que, dans les années 1850, l’Everest s’impose définitivement. »

Autre question : Mathieu se demande dans quelle mesure le peuplement des montagnes fut dicté par la géographie. Autrement dit, les hommes ont-ils toujours fait les choix d’implantation les plus pertinents ? Rien n’est moins sûr. L’arbitraire a joué un grand rôle, explique-t-il, mobilisant le concept de « dépendance au sentier » pour analyser cette bizarrerie : « Les habitants de La Paz se sont contentés de poursuivre ce que Mendoza le conquistador avait commencé en 1548 lorsqu’il fonda la capitale bolivienne au cœur des montagnes, rapporte Böhm. Ils se sont implantés le long du sentier qu’il avait tracé, restant dépendants de lui », sans tenir compte du fait qu’un environnement convenant à une petite ville se révélerait inadapté à une métropole. Résultat : les trois quarts des habitations actuelles de La Paz se situent dans des zones à risque. 

LE LIVRE
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La troisième dimension, Schwabe

ARTICLE ISSU DU N°29

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