Le Umberto Eco hongrois

C’était « un romancier et universitaire fameux, un catholique fervent mais ouvert, un antifasciste ardent, un homme généreux et plein d’esprit. Catalogué “d’ascendance juive” par les autorités, il fut envoyé dans un camp de travail forcé en 1944, où il mourut un an plus tard. Pendant les décennies suivantes, celui qui avait été, dans les années 1930, l’un des intellectuels les plus admirés de sa génération tomba dans l’oubli : comme il aurait pu le dire lui-même, la condition de victime ne garantit pas la célébrité ».

C’était « un romancier et universitaire fameux, un catholique fervent mais ouvert, un antifasciste ardent, un homme généreux et plein d’esprit. Catalogué “d’ascendance juive” par les autorités, il fut envoyé dans un camp de travail forcé en 1944, où il mourut un an plus tard. Pendant les décennies suivantes, celui qui avait été, dans les années 1930, l’un des intellectuels les plus admirés de sa génération tomba dans l’oubli : comme il aurait pu le dire lui-même, la condition de victime ne garantit pas la célébrité ». C’est ainsi qu’Alberto Manguel présente dans le Financial Times l’écrivain hongrois Antal Szerb, dont Viviane Hamy réédite le premier roman, La Légende de Pendragon (paru à l’origine en 1934).

Comme souvent pour les auteurs hongrois, la reconnaissance internationale est d’abord venue d’Allemagne, le premier grand pays occidental à traduire les œuvres de Szerb (dès les années 1960). La France et la Grande-Bretagne suivirent. Verena Auffermann, du Süddeutsche Zeitung, voit dans ce romancier issu du monde universitaire – dont deux essais, consacrés à l’histoire de la littérature hongroise et à celle de la littérature mondiale, ont fait date – « un Umberto Eco hongrois, mais en plus romantique ».

De fait, La Légende de Pendragon contient tous les ingrédients du roman gothique : « Un héros jeune et charmant, un ogre excentrique et reclus, une beauté aguichante, une mystérieuse conspiration, un charabia occultiste – et le légendaire château de Pendragon, dans le nord du pays de Galles, où les étrangers pénètrent rarement, résume Manguel. L’exception sera Janos Batky, jeune universitaire hongrois, qui, à l’issue de ce qui semble une rencontre fortuite lors d’une soirée mondaine, se voit convier dans les lieux par le mystérieux comte de Gwynedd. »

Mais Szerb, qui se définissait lui-même comme un écrivain plutôt qu’un savant, et un lecteur plutôt qu’un écrivain, se joue de la tradition littéraire qu’il reprend. Tout en affichant son goût pour les tombes qui s’ouvrent toutes seules, les cavaliers qui galopent dans la nuit et les prophéties mystérieuses, il prend soin d’instaurer une distance ironique. Pour le Neue Zürcher Zeitung, le Hongrois a écrit « un roman postmoderne avant la lettre ». Mieux, « à certains moments, c’est comme si Szerb se payait la tête du Da Vinci Code, soixante ans avant qu’il soit écrit », ironise Nicholas Lezard dans le Guardian. Et de conclure que La Légende de Pendragon est « une plaisanterie qui plaisante d’elle-même », un livre qui « s’amuse des conventions et s’amuse de s’amuser d’elles ». 

LE LIVRE
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La Légende de Pendragon, Viviane Hamy

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