Publié dans le magazine Books n° 90, juillet/août 2018. Par Baptiste Touverey.
Les Vikings pâtissent d’une réputation désastreuse. Pourtant, leurs accomplissements forcent le respect. Et leurs rapines ont sans doute contribué au décollage économique de l’Europe.
Le phénomène viking a pris fin il y a presque un millénaire. Et il ne laisse pas de stupéfier. Les guerriers venus du nord ont terrorisé l’Europe pendant trois siècles, conquis plusieurs fois l’Angleterre, fait plier les descendants de Charlemagne, créé des États destinés à un brillant avenir (dont celui qui deviendra un jour la Russie), colonisé l’Islande et le Groenland, sans doute découvert l’Amérique… Mais le plus ahurissant reste la disproportion entre l’étendue de ces prouesses et le nombre restreint de personnes qui les ont accomplies. Car les Vikings ne furent jamais ces hordes innombrables que se sont figurées leurs contemporains. Dans son dernier ouvrage, le premier à être traduit en français, le médiéviste suédois Anders Winroth rappelle que cette idée d’une « Scandinavie surpeuplée à l’origine de déferlements barbares » est un
topos plus vieux que les Vikings eux-mêmes. « Elle découle de l’ancienne théorie des climats développée par Hippocrate et Aristote », selon laquelle le froid du Nord serait plus sain et favoriserait donc « la multiplication de l’espèce ». C’...