Homme de lettres, Simenon est enfoui sous les chiffres : près de 20 pseudonymes, au moins 30 maisons, quelque 400 romans dont on a tiré 54 films, 300 pipes, des hordes de lecteurs dans 50 pays (500
000 rien qu’en URSS), une fortune conséquente. Et des milliers de femmes : 10
000, prétend-il, « seulement » 1
200 d’après sa seconde épouse – et à 80
% des prostituées, « consommées au rythme où un Français fume ses Gitanes », s’extasie en 2002 Mark Lawson dans
The Guardian.
Amour commun des chiffres – et du gigantisme, de la performance, du business ? – l’Amérique et Simenon semblent faits l’un pour l’autre. Lorsqu’il débarque à New York le 31
août 1945 avec Tigy, sa première épouse, et leur fils Marc, il est en terrain connu et déjà reconnu, avec 28 romans traduits (par une équipe de 11 traducteurs rien que chez Penguin). Les journalistes l’assaillent au pied de la passerelle ; les États-Unis lui tendent les bras. Il s’y réfugie (un peu dans tous les sens du mot : il a eu quelques ennuis en France à la Libération, pour avoir fait des films avec la Continental de Goebbels) ...