Quand parler tue
Publié dans le magazine Books n° 53, avril 2014.
Que nous resterait-il si discuter avec nos proches nous était fatal ?
Si L’Alphabet de flammes est un thriller, ce n’est pas l’intrigue ou le suspense qui font trembler le lecteur mais bien plutôt la matière première du roman, sa chair, sa langue. « Nul besoin d’accuser les mots », écrivait Samuel Beckett dans Malone meurt. Mais s’il fallait tout de même s’en méfier ? Ben Marcus imagine un monde où la parole – en particulier celle des enfants – serait nocive, voire létale. Les parents tombent malades, se meurent ou fuient, abandonnant tout derrière eux. Comme dans une Babel contemporaine, la langue vient brouiller les relations entre les hommes, menace, sépare. Faut-il y voir un châtiment ?
À la croisée d’Orwell et de Vian, l’auteur questionne de manière inattendue la langue et le genre même du roman. Il « examine les mots comme s’ils étaient des extraterrestres, des artefacts trompeurs, des traîtres », ...