Publié dans le magazine Books n° 105, mars 2020.
En 1918, l’Allemagne n’avait aucune chance de gagner la guerre. C’était évident même pour les Allemands. Comment la légende du « coup de poignard dans le dos » a-t-elle pu naître, alors ?
Ce fut peut-être l’infox la plus pernicieuse du XX
e siècle : l’Allemagne n’avait pas perdu la Première Guerre mondiale, l’armistice du 11 novembre 1918 avait été imposé à des militaires invaincus par des civils traîtres, sympathisants du bolchevisme. De cette légende du « coup de poignard dans le dos », Hitler a fait l’usage que l’on sait pour saper la fragile république de Weimar.
Il semble évident aujourd’hui que, à partir de l’été 1918 au moins, le Reich de l’empereur Guillaume II, à bout de souffle, n’avait plus aucune chance de gagner la guerre. « Des centaines de milliers de soldats allemands désertaient ou n’obéissaient plus aux ordres. Le front ouest n’était plus qu’une toile d’araignée de positions à court d’effectifs, dans lesquelles des soldats démoralisés tenaient plus mal que bien », rappelle Sven Felix Kellerhoff dans le quotidien
Die Welt. Plus troublant : sur le moment, cette évidence de la victoire alliée fut partagée par l’immense majorité des protagonistes d’alors, quel que soit leur camp.
Comment est-il donc possible qu’un mensonge aussi criant ...