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Le journaliste norvégien ­Bernhard L. Mohr est un bon connaisseur de la Russie. Il a fait sa thèse sur les auteurs satiriques soviétiques Ilf et Pétrov et a travaillé à Moscou et Saint-Pétersbourg pour le groupe de presse norvégien Schibsted. Après avoir tenté d’expliquer à ses compatriotes pourquoi les Russes votent pour Poutine dans un ouvrage paru en 2017, il s’intéresse cette fois aux relations ambiguës qu’entretiennent Oslo et Moscou.

« Sont-ils de bons voisins qui essaient de résoudre leurs différends dans le dialogue et le respect ou représentent-ils une menace l’un pour l’autre ? En n’optant pour aucune de ces deux thèses dominantes tout en les exposant, Mohr parvient à donner de la profondeur et de l’intelligence à son propos », estime le quotidien Dagbladet.

Force est de toutefois constater que les récents signaux en provenance de Moscou tranchent avec l’image héritée de la Seconde Guerre mondiale du « bon voisin » russe dont l’armée a libéré le Grand Nord norvégien alors occupé par l’Allemagne nazie, note Aftenbladet. Et ce quotidien régional de citer l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, ou l’enlèvement d’un ressortissant norvégien accusé d’espionnage, en 2017. Mais s’il « ne tait en rien les aspects critiquables et effrayants du régime de Poutine », Mohr « essaie aussi de comprendre et de faire comprendre à ses lecteurs à quoi ressemble le monde côté russe ».

De ce fait, pointe le quotidien Aftenposten, « le titre du livre est un peu trompeur, car l’ouvrage va au-delà des seules relations bilatérales ». L’auteur fait en effet parler de jeunes Russes sur leur pays et sur leur avenir.

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Les Romains ne saluaient pas en tendant le bras droit vers le ciel.

Les Burgondes venaient sans doute de l’île de Bornholm, au large du Danemark.

Moins d’un tiers des jeunes Européens placent la démocratie parmi les cinq valeurs auxquelles ils sont le plus attachés.

On ne recense plus que 22 pays dotés d’un régime pleinement démocratique.

Le véritable fascisme était révolutionnaire.

Entre 1950 et 2012, pas moins de 473 autocrates ont perdu le pouvoir.

Magellan avait emporté sept vaches vivantes dans son périple.

En 1880, une université américaine comptait en moyenne 131 étudiants
et 10 enseignants.

La moitié des prix Nobel du XXIe siècle sont issus d’une université américaine.

Les Égyptiens de l’Antiquité pensaient que les anguilles naissaient au contact des rayons du soleil avec le Nil.

L’obésité a quasiment triplé dans le monde depuis 1975.

La guillotine fut l’un des principaux emblèmes de la contestation artistique au Japon dans les années 1960.

L’attitude des élites françaises à l’égard de la pédophilie a profondément évolué depuis les années 1970 et 1980.

On ne connaît que 144 mathématiciens durant toute l’Antiquité.

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Il fallut six semaines aux charretiers pour acheminer tout le chargement jusqu’à l’embouchure du Guadalquivir. Les navires avaient déjà quitté Séville le 10 août 1519, mais, comme le fleuve qui relie la ville espagnole à l’océan Atlantique est trop peu profond à maints endroits, ils ne pouvaient le descendre à pleine charge. On dut acheminer leur cargaison petit à petit par la route.

Pour l’essentiel, il s’agissait de vivres destinés à nourrir 239 hommes d’équipage pendant deux ans. On s’était donc procuré 2 138 quintaux de biscuits, 200 tonneaux de morue séchée, 984 meules de fromage, 8 500 litres de légumes secs, 57 quintaux de lard, 48 quintaux d’huile de table, 18 quintaux de raisins secs, sept vaches vivantes ainsi qu’une quantité considérable de sucre, de vinaigre, d’ail, de figues, d’amandes, de miel, de pâte de coing, de sel et… de vin. Des agents de la Couronne espagnole s’étaient rendus tout spécialement à Jerez et en avaient acheté pour 1 500 ducats d’or. C’était de loin le poste le plus important dans le livre de comptes de la flotte : les 500 fûts coûtaient plus que chacun des cinq navires et plus que l’ensemble de l’armement, canons, poudre et munitions compris.

Enfin, les marchandises de troc furent livrées. C’est l’évêque de Burgos lui-même, Juan Rodrí­guez de Fonseca, qui en avait établi la liste, et le négociant Cristóbal de Haro avait fourni ce qu’il fallait : outre les étoffes teintes, les chapeaux, les peignes, les miroirs, les hameçons et les perles en verre, « 400 douzaines de couteaux de la pire espèce en provenance d’Allemagne ». Ces babioles étaient destinées à être échangée sur le lieu de destination, aux confins orientaux des Indes, contre des clous de girofle qui se monnayeraient une fortune sur la place d’Anvers.

Cristóbal de Haro et Juan Rodríguez de Fonseca étaient les bailleurs de fonds de cette expédition commerciale qui devait permettre de trouver enfin une route occidentale vers l’Asie : la route orientale, qui passait par le cap de Bonne-Espérance, était en effet fermée aux navires espagnols depuis que l’Espagne et le Portugal avaient signé le traité de Tordesillas, en 1494. En vertu de cet ­accord, la moitié orientale de la Terre revenait au Portugal, la moitié occidentale à l’Espagne. Un méridien situé à 2 200 kilomètres à l’ouest des îles du Cap-Vert servait de ligne de démarcation.

Toutes les expéditions que Fonseca avait mises sur pied jusque-là s’étaient heurtées à la masse continentale de l’Amérique. À 50 ans passés, Fonseca était membre du Conseil de Castille, au sein duquel, depuis l’époque de Christophe Colomb, il présidait à l’édification de l’empire colonial espagnol. Cela faisait longtemps qu’il aspirait à une extension vers l’Asie : les possessions espagnoles des Antilles ne rapportaient guère par rapport à ce que le roi du Portugal tirait du commerce avec les Indes. Année après année, on déchargeait sur les quais de Lisbonne des milliers de sacs de poivre, de cannelle, de muscade, de clous de girofle et d’autres épices, qui assuraient au roi Manoel le Fortuné, comme l’appelaient ses courtisans, des revenus fabuleux.

Le marchand Cristóbal de Haro s’intéressait lui aussi depuis longtemps à la route occidentale vers l’Asie. Il était à la tête d’une maison de négoce dont le siège était à Burgos et qui possédait des succursales à Lisbonne et à Anvers. Haro lui-même avait résidé de nombreuses années à Lisbonne, d’où il avait envoyé des flottes marchandes aux Indes, en Afrique et au Brésil. Lorsque la main de fer avec laquelle le roi Manoel réglementait le commerce outre-mer devint trop pesante pour lui, il revint à Burgos et se tourna vers la Couronne espagnole. Outre son expertise et ses capitaux, il avait autre chose à offrir au Conseil de Castille : il connaissait deux Portugais à qui l’on pouvait faire confiance pour mener une expédition aux Indes.

L’un, Rui Faleiro, était un astrologue qui affirmait pouvoir calculer la longitude. Si les marins de l’époque savaient déterminer la latitude (en utilisant le quadrant, ancêtre en bois du sextant), la longitude leur posait des problèmes car ils mesuraient le temps à bord avec des sabliers. Or connaître la longitude était important pour une expédition qui ­aurait à sonder la frontière occidentale de la moitié espagnole du monde. Personne ne savait où les hémisphères portugais et espagnol se rencontraient à l’autre bout de la Terre. Un expert comme Faleiro serait donc très utile.

L’autre homme que Cristóbal de Haro fit entrer dans la danse était un gentilhomme des environs de Porto, Fernão de Magalhães, qui allait devenir plus tard mondialement célèbre sous le nom de Magellan1. Magalhães était issu d’une illustre famille et avait combattu aux Indes pendant huit ans. En 1509, il avait participé à la première incursion de ses compatriotes à Malacca et, en 1511, à la prise de la métropole commerciale malaise. Il connaissait donc de première main le monde de l’océan Indien et le commerce des épices. Il disposait également de précieux contacts : un de ses amis s’était établi aux Moluques, un minus­cule archipel situé à l’extrémité orientale de l’Indonésie actuelle et, à l’époque, le seul endroit au monde où l’on trouvait des girofliers.

Grâce à ses connaissances et aux lettres qu’il avait reçues de son ami, Magalhães avait acquis la conviction que les îles aux épices étaient situées tellement à l’est qu’elles appartenaient déjà à l’ouest, c’est-à-dire à la moitié espagnole du monde – une opinion que Faleiro partageait et qu’on écoutait avec plaisir en Espagne. C’est là que Magalhães et Faleiro se rendirent à la fin de 1517 pour proposer un marché au jeune roi Charles Ier, le futur empereur Charles Quint : il mettrait une flotte à leur disposition et leur verserait une solde raisonnable, en échange de quoi non seulement ils trouveraient une route maritime occidentale vers les Moluques, mais ils prendraient également possession de l’archipel pour le compte de la Couronne espagnole.

Le missionnaire Bartolomé de Las Casas, qui rencontra Magalhães à la cour de Valladolid en février 1518, le ­décrit de la sorte : « Ce Fernand de Magel­lan devait être un homme de courage et valeureux dans ses pensées et pour entreprendre de grandes choses, quoique sa personne fût de peu de prestance, car il était petit de taille » 2. Il dut faire également bonne impression sur Fonseca et les autres membres du Conseil royal car, peu après, Magalhães et Faleiro ­obtinrent un contrat les nommant capi­taines d’une armada royale chargée de « découvrir » les îles aux épices.

D’après ce que nous savons aujour­d’hui, Magalhães n’avait jamais commandé un navire auparavant, et encore moins une flotte. Il sut pourtant naviguer entre les écueils de la bureaucratie royale et dans les eaux traîtresses de la diplomatie. Le roi Manoel n’était pas enchanté de cette nouvelle incursion espagnole en Asie, surtout sous la direction de Portugais, et il tenta à plusieurs reprises de la faire échouer. Il fallut un an et demi avant que la flotte des Moluques fût prête à lever l’ancre.

Le 20 septembre 1519, enfin, cinq vaisseaux à la coque pansue et noire comme le jais quittaient Sanlúcar de Barrameda, à l’embouchure du Guadalquivir, leur grand-voile arborant une croix de Saint-Jacques rouge sang. Ils avaient été baptisés Trinidad, San Antonio, Concepción, Santa María de la Victoria et Santiago – autant de noms censés leur attirer la protection du Tout-Puissant. Il s’agissait de caraques d’environ 25 mètres de longueur, dotées chacune de trois mâts, qui avaient été affrétées à leurs propriétaires et entièrement réarmées en vue de la longue traversée.

Comparée aux grandes expéditions qui partaient de Lisbonne chaque printemps en direction des Indes, ce n’était pas là une flotte bien imposante. Mais pour Magalhães et son équipage – constitué d’hommes venus du monde entier, de Galway à Goa, mais espagnols et portugais pour la plupart –, le départ dut être un moment émouvant. Nous savons de Magalhães et de quelques autres qu’ils espéraient trouver richesse ou gloire au loin. Seul un très petit nombre y parvint.

Rui Faleiro, dit-on, avait pressenti le destin funeste de la flotte. En tout cas, l’astrologue se désista, si bien que Magalhães fut le seul à avoir droit au titre de capitaine général. Même sans Faleiro, il lui restait six timoniers, dont trois Portugais. Ils comptaient parmi les meilleurs que le roi d’Espagne avait à son service.

Après de courtes escales aux îles Cana­ries et au Brésil, la flotte mit le cap sur l’Antarctique, en longeant les côtes sud-américaines. Là, comme le supputaient plusieurs savants et Magalhães lui-même, devait se trouver un passage vers l’ouest. Le capitaine général avait vu juste. Mais ce n’est qu’après une muti­nerie et un hiver de privations, et après avoir perdu deux de ses navires, qu’il trouva le détroit qu’il cherchait au sud – au niveau du 52e parallèle. Le franchissement du passage, à l’automne 1520, dura six longues semaines, et la traversée du Pacifique qui suivit – la première ­effectuée par des navires européens – trois mois et demi supplémentaires. Comme les vivres et l’eau s’épuisaient, les hommes à bord subirent des épreuves indescriptibles et au moins dix-neuf d’entre eux succombèrent.

Magalhães ne souhaitait pas, semble-t-il, se diriger directement vers les Moluques. Il voulait d’abord atteindre un grand archipel au large de la côte orientale de l’Asie dont il avait probablement entendu évoquer l’existence – et les ­richesses en or – à Malacca. Il le trouva : il s’agissait des Visayas, situées au centre des Philippines actuelles. Leurs habitants accueillirent poliment les visi­teurs étrangers, et le capitaine général s’empressa de les convertir au catholicisme. Son contrat avec le roi stipulait qu’il serait nommé gouverneur des terres qu’il découvrirait. Mais cette perspective était loin de plaire à tous les Visayans.

Lorsque notre gentilhomme voulut consolider son travail missionnaire par une démonstration de force militaire, un roi des Visayas et ses guerriers se dressèrent contre lui. Magalhães tomba au combat et, dans les troubles qui suivirent, plus de trente de ses hommes furent tués. Les autres prirent la fuite. Ils brûlèrent l’un des trois vaisseaux restants parce qu’ils n’étaient plus assez nombreux pour assurer la manœuvre et errèrent pendant des mois dans la mer de Sulu et dans celle de Célèbes. Grâce à des pilotes qu’ils avaient capturés, ils finirent par trouver les Moluques, où ils furent de nouveau chaleureusement accueil­lis et s’empressèrent de remplir les cales de clous de girofle avant l’arrivée d’une flotte portugaise.

Des deux navires qui restaient, le Trinidad tenta de retourner au ­Panama en traversant l’océan Pacifique – et échoua. Le Victoria, en revanche, quitta les Moluques en direction du sud-ouest le 21 décembre 1521. Le vent de la mousson plaidait en faveur de cet itinéraire, même s’il menait dans des eaux interdites car portugaises. Le capitaine du Victoria, le Basque Juan Sebastián Elcano, s’imposa à une bonne partie de son équipage qui ne voulait pas traverser l’océan Indien.

Il fallut s’y reprendre à deux fois pour contourner l’Afrique. La situation à bord était si désespérée que l’équipage dut se résoudre à faire escale au Cap-Vert, qui était une colonie portugaise, pour se procurer des vivres. L’origine espa­gnole du navire fut découverte alors que des membres de l’équipage étaient descendus à terre afin d’acheter du riz et des esclaves pour actionner les pompes. Elcano leva l’ancre précipitamment, abandonnant les treize hommes qui avaient été arrêtés par les Portugais.

Le 6 septembre 1522, c’est un Victoria en piteux état qui accosta dans le port de Sanlúcar. À bord ne restaient que vingt et un individus squelettiques, dont trois Malais. À peine débarqué, Elcano écrivit à Charles Quint : « Nous sommes rentrés dix-huit hommes avec un seul des cinq navires que Votre ­Majesté avait envoyés [...] pour découvrir les îles aux épices [...]. Que Votre Majesté […] daigne esti­mer à sa valeur que nous avons fait le tour de la Terre et que, partis vers l’ouest, nous revenons par l’est. »

La nouvelle fit sensation, et les humanistes de la cour célébrèrent le Victoria dans d’élégantes phrases latines, non pas parce que son voyage prouvait la forme sphérique de la Terre – aucune personne instruite n’en doutait – mais parce qu’elle représentait une victoire du temps présent sur l’Antiquité tant admirée. Les Grecs et les Romains n’avaient pas réussi à faire le tour de la Terre !

Le bénéfice financier de l’entreprise fut faible. Le produit de la vente des clous de girofle ne suffit pas à couvrir les frais de l’expédition. Il fallut verser une pension aux quelques survivants et à leur famille pendant des mois et des années. Les expéditions ultérieures montrèrent que la route vers l’Asie que Magalhães avait découverte était trop longue pour établir des relations commerciales ou même une domination. Mais, surtout, elle semblait n’être navigable que dans une seule direction. La traversée du Paci­fique d’ouest en est ne fut accomplie que des décennies plus tard par un autre Basque, Andrés de Urdaneta. Ce n’est qu’à ce moment-là que les Philippines devinrent une colonie espagnole.

Magalhães entra dans l’histoire européenne en tant que découvreur du passage maritime auquel on donna bientôt son nom – avant d’être « redécouvert » au XIXe siècle. Pour le savant allemand Alexander von Humboldt, le gentilhomme était le héros d’une « histoire des sciences » qui avait pour objet le « progrès de l’intelligence ». Les admirateurs de plus en plus nombreux de Magellan, tel qu’il était désormais connu, pouvaient se référer à Antonio ­Pigafetta. Ce marin italien, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, avait fait le tour de la Terre à bord du Trinidad puis du Victoria et, à son retour, avait rédigé une chronique de son périple dans laquelle il faisait un éloge dithyrambique de son capitaine décédé. Il affirmait, par exemple, que Magellan avait eu l’intention de faire le tour de la Terre. Mais il n’existe ­aucune preuve de cela. Il n’a pas davantage contribué à l’exploration des Nuages de Magellan, les deux galaxies qui portent son nom depuis le XIXe siècle.

Ce culte du héros, outre qu’il possède désormais des relents d’européo­centrisme, est anhistorique en ce qu’il investit les actions de son héros d’une intention et d’une signification qui revêtaient, au mieux, une importance secondaire pour lui. C’est toutefois à juste titre que nous nous souvenons de Magel­lan et de ses compagnons. En attei­gnant l’Asie par l’ouest et en faisant le tour de la Terre, ils ont tissé un nouveau fil sur la toile de communication et de commerce que nous autres ­humains avons tendue autour du globe et à ­laquelle personne ne peut se soustraire aujourd’hui –- contrairement à ce qui se passait il y a cinq cents ans. 

Christian Jostmann est un historien allemand.

Cet article est paru dans l’hebdomadaire Die Zeit le 18 septembre 2019. Il a été traduit par Baptiste Touverey.

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Frais émoulu de l’école militaire de West Point, l’officier d’infanterie Erik Edstrom a été envoyé en Afghanistan en 2009. Il a reçu une médaille pour sa bravoure. Mais, dans Un-American, un ouvrage mi-Mémoires mi-pamphlet, il dénonce le militarisme de son pays. « Il y a eu de nombreux témoignages d’anciens combattants de nos guerres actuelles, mais c’est le premier qui m’évoque les récits désabusés de ces soldats britanniques de la Première Guerre mondiale qui avaient perdu toute confiance dans le pays qui les avait envoyés à la guerre et dans les chefs qui les avaient menés au combat », écrit Thomas Ricks, journaliste spécialiste de la défense, dans The New York Times. Erik Edstrom raconte l’impréparation des troupes, les alliances passées avec les seigneurs de guerre ­locaux, les civils pris entre deux feux, les morts dans tous les camps. Et, de mission inutile en victime collatérale, finalement, ce sentiment de ne plus être un good guy

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Chers lecteurs, le temps passe et les temps changent. Vous nous avez suivis avec une grande fidélité, pour certains ­depuis le lancement de Books, en décembre 2008. Bientôt douze ans ! Vous nous avez soutenus, parfois très concrètement, à l’occasion des deux campagnes de financement participatif que nous avons menées ou encore par des dons, via l’association Presse et Pluralisme. Hélas, pour parodier Romain Gary, le ticket de Books n’est plus valable. Non pas le concept, qui a fait ses preuves et dont on peut souhaiter qu’il perdure, mais le modèle économique.

Ce modèle, je l’ai mis en œuvre à une époque aujourd’hui révolue. Il s’agissait, dans la grande tradition des magazines papier, de tabler sur trois types de recettes : la vente au numéro, la publicité et les abonnements. Suivant l’évolution générale de la presse écrite, la vente au numéro a baissé et les recettes publicitaires se sont effon­drées. Seuls les abonnements se sont maintenus. Et, en l’espace d’un an, nous avons subi une triple peine : les grèves de décembre-janvier, la pandémie de Covid-19 et la faillite de Presstalis, le principal distributeur de presse en France.

Nos actionnaires les plus fidèles, qui sont des amis et des mécènes que je ne saurais jamais remercier assez, ne peuvent plus suivre. Au ­moment même où ce numéro vous parviendra, Books sera placé en redressement judiciaire, en quête d’un repreneur. Si aucun ne se manifeste, l’entreprise sera liquidée. La marque sera peut-être reprise, mais ce qui en sortira ne sera plus le Books que vous avez connu.

La vraie question est aujourd’hui de savoir si le concept de Books conserve sa validité et justifie un nouveau départ fondé sur un modèle économique entièrement repensé. On pourrait juger que non. En commentant l’arrêt de la ­revue LeDébat, début septembre, son fondateur, Pierre Nora, décrivait ainsi l’ère dans laquelle nous sommes entrés : « L’archipélisation de la société, l’enfermement de chacun dans sa propre identité, la naissance de nouvelles radicalités sourdes à l’argumentation, à la discussion, à la raison. » Nous assistons à une « atomisation des curiosités » favorisée par la « généralisation du numérique », ajoutait-il. On ne saurait mieux dire. Nos lecteurs le savent, ces tendances de fond ont été régulièrement analysées par Books, depuis le premier numéro.

Pierre Nora observait également : « Nous ne servons pas une “cause”, une idéologie, une poli­tique. » C’est aussi le choix de Books. Un choix audacieux par les temps qui courent : si l’on met de côté les titres spécialisés, seuls les organes partisans tirent leur épingle du jeu. On peut cependant affirmer que Books, comme Le ­Débat mais de manière différente, sert une cause : celle du bon usage de l’esprit critique. Marcel ­Gauchet, l’âme du Débat, avait d’ailleurs contribué à notre numéro 100, tout entier consacré à ce sujet. Mais Books n’est pas une revue d’idées au sens français du terme. C’est un magazine d’inspiration internationale, fondé sur le croisement des regards que permet l’analyse des livres ­parus dans le monde. Un magazine de l’actualité profonde, muni d’une grille de lecture transversale volontairement détachée des modes de lecture de la presse et des revues françaises. Un maga­zine présent sur Internet aussi, avec 25 000 abonnés à ses newsletters. Il n’y a pas de raison de penser que le concept de Books soit périmé. Puisse un repreneur innovant et déterminé, rompu aux techniques du numérique et des réseaux sociaux, relever ce défi : faire fructifier le concept de Books en l’adaptant aux tropismes de ce nouveau monde. 

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Aux yeux d’un étranger de passage, le système d’enseignement supérieur américain était au XIXe siècle une vaste fumisterie. Ce n’était guère qu’un ensemble disparate d’établissements disséminés dans la campagne qui se donnaient le nom d’universités. Ce système sous-doté – qui dispensait un enseignement de piètre qualité, était implanté dans de petites localités le long de la Frontière et n’avait pas de véritable fonction sociale – semblait condamné à l’insignifiance. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, il allait pourtant occu­per une position dominante sur le marché mondial de l’enseignement supérieur et accumuler plus de richesses, produire plus de savoir, récolter plus de prix Nobel et attirer plus d’étudiants et d’enseignants qu’aucun autre. Les universités américaines occupent aujourd’hui le haut des classements internationaux.

Comment cette transformation spectaculaire a-t-elle pu avoir lieu ? Tout ce qui handicapait le système au XIXe siècle a fait sa force au XXe. La faible part des financements publics dans son budget essentiellement couvert par les droits d’inscription, son aura dans la population et sa passion du football américain lui ont assuré une autonomie qui lui a permis de dominer le monde universitaire.

Le système a vu le jour aux débuts de l’histoire des États-Unis, à une époque où l’État était faible, où le marché dictait sa loi et où les Églises étaient divisées. À ­défaut de bénéficier du soutien financier de l’Église et de l’État qui avait été propice au développement des universités dans l’Europe du Moyen Âge, les premières universités américaines durent compter sur la générosité des élites locales et sur les frais d’inscription déboursés par des étudiants consommateurs. Une charte octroyée par l’État où elles étaient implantées leur donnait le droit d’exister  mais ne leur allouait aucun financement.

C’était davantage la quête de profit que le désir de développer l’enseignement supérieur qui motivait la création d’un college. Pendant la majeure partie de l’histoire des États-Unis, la terre a été la principale source de richesse. Mais, dans un pays où il y avait beaucoup plus de terres à vendre que d’acquéreurs, les spéculateurs devaient trouver le moyen de convaincre les gens d’acheter les leurs plutôt que celles des innombrables autres vendeurs. La situation devint encore plus désespérée vers le milieu du XIXe siècle, lorsque le gouvernement fédéral se mit à distribuer des terres aux colons. Pour parvenir à vendre, la solution était de présenter le terrain non pas comme une parcelle de plus dans un trou poussiéreux mais comme un emplacement de choix dans un foyer de vie intellectuelle naissant. Et rien n’y faisait autant qu’un col­lege. Les spéculateurs faisaient ainsi don d’un terrain pour la construction d’un college, obtenaient une charte de l’État et vendaient ensuite les terres avoisinantes à bon prix, de même que les promoteurs aujourd’hui construisent un terrain de golf avant de vendre au prix fort les maisons qui donnent sur le parcours.

Afin d’assurer la viabilité de leur établissement, les spéculateurs cherchaient le plus souvent à l’adosser à une Église, ce qui présentait plusieurs avantages, le premier étant la segmentation du marché. Une clientèle presbytérienne serait plus attirée par un college presbytérien que par l’établissement méthodiste de la ville voisine. Autre avantage, la dotation en personnel. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, presque tous les présidents et la plupart des enseignants des colleges étaient des membres du clergé, ce qui avait un double intérêt aux yeux des fondateurs : ils avaient une formation correcte et des exigences financières modestes. Troisième avantage : l’Église en question pouvait être incitée à mettre de temps en temps la main au portefeuille.

Souvent, les visées pécuniaires et reli­gieuses se rejoignaient pour produire cette figure typiquement américaine qu’est le clergyman spéculateur. J. B. Grinnell en est un bon exemple. Ce pasteur congrégationaliste quitta l’église qu’il avait créée à Washington pour bâtir une ville dans l’Ouest à des fins spéculatives. Il fonda en 1854 dans l’Iowa une ville à laquelle il donna son nom, obtint un agrément de l’État pour y établir un college et se mit à vendre des terrains.

Un quart à peine des colleges étaient ­situés sur la côte Est, où vivait la majo­rité de la population. Plus de la moitié se trouvaient dans le Midwest ou le Sud-Ouest, la zone peu peuplée de la Frontière. Si l’idée était de recruter un grand nombre d’étudiants, ce n’était pas l’idéal, mais cela incitait les colons à s’établir. Cette situation sur la Frontière explique également l’intérêt des Églises : dans un contexte religieux très concurrentiel, où aucune Église n’était vraiment en position dominante, chacune cherchait à planter son drapeau la première dans les nouveaux territoires. La spéculation foncière et la concurrence religieuse expliquent que, en 1880, l’Ohio comptait 37 universités quand la France n’en possédait que 16.

En 1790, alors que la République américaine venait d’être fondée, les États-Unis comptaient déjà 19 établissements appelés colleges ou universités. Leur nombre a augmenté progressivement pour atteindre 50 en 1830, après quoi le rythme des créations s’est accéléré. On en dénombrait 250 dans les années 1850 puis le double une décennie plus tard ; en 1880, ils étaient 811. La croissance des colleges dépassait largement celle de la population : on était passé de 5 établissements pour 1 million d’habitants en 1790 à 16 en 1880. Cette année-là, les États-Unis affichaient cinq fois plus d’universités que l’ensemble du continent européen. Ils possédaient le système d’enseignement supérieur le plus surdimensionné du monde.

Bien sûr, comme se plaisaient à le dire les visiteurs européens, il était abusif de qualifier la plupart de ces colleges d’établissements d’enseignement supérieur. D’abord, ils étaient de petite taille. En 1880, un college comptait en moyenne 131 étudiants et 10 enseignants et ne délivrait que 17 diplômes par an. La plupart étaient situés bien à l’écart des lieux de culture et de raffinement. Les professeurs étaient des hommes d’Église plutôt que des hommes de savoir, et ils enseignaient à tous ceux qui étaient disposés à payer des droits d’inscription pour obtenir un diplôme de valeur douteuse. D’ailleurs, la plupart des diplômés entraient dans le clergé ou embrassaient d’autres professions qui ne demandaient pas de titre universitaire.

Sur la côte Est, une poignée d’universités – Harvard, Yale, Princeton, ­William & Mary – drainaient des étudiants ­issus de familles riches et puissantes et servaient à former de futurs dirigeants. Mais, plus à l’Ouest, il n’y avait guère d’élites établies avec lesquelles nouer des liens. Comme chaque localité ou presque possédait son université, la concurrence pour attirer les étudiants était féroce, si bien que les frais de scolarité restaient modérés. De ce fait, ces établissements disposaient de moyens très limités : ils devaient se contenter de locaux exigus et de faibles rémunérations et se démener pour attirer et retenir étudiants et professeurs et obtenir des financements. Résultat, les étudiants venaient plutôt de milieux modestes et étaient là plus pour le plaisir que pour les études ; les plus sérieux étaient les boursiers.

Autre preuve du peu de prestige de ces universités du XXe siècle : rien ou presque ne les différenciait de la multitude des lycées et autres établissements d’enseignement secondaire qui pullulaient dans le paysage américain. Les élèves pouvaient souvent choisir de fréquenter soit le lycée, soit le college, le premier n’étant pas considéré comme le passage obligé vers le second.

Vers le milieu du siècle, quantité de nouvelles formes de colleges publics virent le jour, aux côtés des établissements indépendants que nous appelons aujourd’hui « privés ». Chaque État américain voulut en effet se doter de son college ou de son université, pour des raisons analogues à celles des Églises et des villes : la concurrence (si l’État voisin possédait un college, on devait aussi en avoir un) et la spéculation foncière (les promoteurs locaux faisaient pression sur les autorités pour obtenir cet avantage). On vit en outre se fonder des établissements sur des terrains cédés par l’État fédéral, qui étaient à voca­tion agricole et technique. Enfin, il y avait les écoles normales, destinées à la formation des enseignants à un moment où le système public d’éducation était en plein essor. Contrairement aux établissements privés, ces nouvelles universités étaient placées sous tutelle publique, sans pour autant recevoir de dotations régulières. Elles ne commencèrent véritablement à recevoir des crédits annuels qu’au début du XXe siècle, si bien qu’elles se finançaient grâce aux frais de scolarité et aux dons, comme les établissements privés, et se disputaient les étudiants et les enseignants avec ces derniers.

En 1880, le système américain d’enseignement supérieur était extraordinairement vaste et dispersé géographiquement, complètement décentralisé et formidablement complexe. Peut-on du reste qualifier de « système » un ­ensemble hétéroclite de quelque 800 colleges et universités ? Un « système » suppose un plan d’ensemble et un mode de gouvernance faisant en sorte que les choses fonctionnent conformément à ce plan, comme c’est le cas dans les systèmes d’enseignement supérieur de la plupart des autres pays, avec un ministère qui supervise et fait évoluer le système. Mais pas aux États-Unis 1.

Le système d’enseignement supérieur américain ne procède d’aucun plan, et ­aucune instance ne le régit. C’est néanmoins un système doté d’une structure bien définie et d’un ensemble de règles claires guidant l’action des individus et des institutions qui le composent. En fait, il s’apparente davantage à un système économique fondé sur les lois du marché et issu d’une accumulation de choix individuels qu’à un système politique encadré par une Constitution – il tient plus de l’étalement urbain que de l’urbanisation planifiée. Son histoire n’est pas une construction organisée mais un processus évolutif.

Il y a certes eu des tentatives pour y mettre de l’ordre. Tous les présidents des États-Unis jusqu’à Andrew Jackson (1829-1837) invoquèrent la nécessité de créer une université nationale, qui aurait établi une norme de qualité applicable à l’ensemble. Mais l’entreprise échoua en raison de la réticence des Américains à laisser s’installer un gouvernement ­central fort.

D’autres cherchèrent à imposer leur vision de ce que devait être la fina­lité du système. En 1828, les enseignants de Yale publièrent un rapport défendant avec vigueur le programme d’études classiques traditionnel (axé sur le latin, le grec et la religion) ; dans les années 1850, Francis Wayland plaida à Brown pour que l’accent soit mis sur la science, et la loi Morrill de 1862 instaura des établissements ayant vocation à « enseigner dans tous les domaines du savoir en lien avec l’agriculture et les arts mécaniques […] afin de fournir aux classes industrielles une éducation culturelle et pratique applicable aux différents domaines et professions ». Mais ces points de vue ont surtout servi à diversifier considérablement les missions que s’assignaient les différents colleges au sein d’un système qui n’en privilégiait aucune.

Les faiblesses du système étaient patentes. Prenez le Middle­bury College : cette université congrégationaliste fondée en 1800 est aujourd’hui l’une des universités de lettres et de sciences ­humaines les plus cotées du pays. Mais, en 1840, lorsque son nouveau président (un pasteur presbytérien nommé Benjamin Labaree, le grand-père de mon grand-père) débarqua sur le campus, il trouva un établissement au bord du gouffre – et cela n’allait guère s’améliorer pendant les vingt-cinq ans qu’il passerait à sa tête. Ses lettres au conseil d’administration détaillent tous les problèmes qui accablaient ce dirigeant de petit ­college. Découvrant que les administrateurs n’avaient pas de quoi lui verser le salaire annuel de 1 200 dollars (l’équivalent de 32 000 dollars d’aujourd’hui) qu’on lui avait promis lors de son recrutement, il entreprit immédiatement de lever des fonds – il allait devoir lancer sept autres campagnes de financement par la suite –, paya 1 000 dollars de sa poche et demanda aux membres du corps enseignant de mettre la main au portefeuille.

Les soucis pécuniaires sont le sujet qui revient le plus souvent dans la correspondance de mon aïeul Labaree (il avait du mal à recruter et à payer les ensei­gnants ; il dut hypothéquer sa maison parce qu’il ne touchait pas son salaire ; il était perpétuellement en quête de dons). Mais il se plaignait également d’avoir du mal à proposer un programme d’études complet avec un nombre insuffisant de professeurs, sous-qualifiés de surcroît : « Messieurs, j’ai accepté de prendre la présidence du Middlebury College en ­sachant pertinemment que vous disposiez d’une équipe réduite et que, en conséquence, une grande part de la charge d’enseignement reviendrait au président. Je savais aussi que l’on attendait de moi que je ­défende les intérêts financiers de l’établissement autant que me le permettrait ma mission d’enseignement. Mais je n’aurais pas pu imaginer que j’aurais à tirer l’université de l’embarras pécuniaire et à trouver des fonds pour l’achat de livres, l’entretien des bâtiments, etc. Si j’avais su ce que vous exigeriez de moi, je ne me serais jamais engagé à votre service. »

Dans un passage de sa correspondance, mon aïeul Labaree énumère les cours qu’il doit dispenser en tant que président : « Philosophie intellectuelle et morale, économie politique, droit international, fondements de la foi chrétienne, histoire de la civilisation, étude de L'Analogie de la religion2. » Les professeurs des colleges américains devaient être des ­touche-à-tout.

En définitive, le système universitaire américain ne tenait pas ses promesses. Mais ces promesses étaient formidables. Une des forces cachées du système était qu’il possédait presque tous les éléments dont il aurait besoin pour faire face à une expansion accélérée du nombre d’étudiants. Il disposait déjà de toute l’infrastructure : terrains, salles de cours, bibliothèques, bureaux, bâtiments administratifs, etc. Et cette infrastructure n’était pas concentrée dans quelques grandes villes mais disséminée sur tout le territoire d’un pays grand comme un continent. Étaient déjà en place le corps professoral et l’administration, avec des programmes d’études, des cours et une charte accordant au college le droit de délivrer des diplômes, ainsi que les structures de gouvernance et les processus destinés à capter les sources de revenus nécessaires. Les colleges jouissaient du soutien de la population locale et de l’Église concernée.

Une autre force du système était que cet ensemble disparate de colleges et d’universités plutôt quelconques était parvenu à perdurer dans un environnement extrêmement concurrentiel. En tant qu’institutions soumises aux lois du marché et n’ayant jamais eu le luxe de bénéficier de dotations garanties, les colleges (aussi bien publics que privés) avaient survécu en allant à la pêche aux dollars auprès des donateurs potentiels et en se vendant auprès des étudiants en mesure de payer des frais de scolarité. Ils devaient être capables de répondre à la demande des divers types de publics sur leurs marchés respectifs et surtout de satisfaire les attentes des futurs étudiants, car c’étaient eux qui payaient l’essentiel de la facture. Ils avaient aussi tout intérêt à bâtir des liens durables avec leurs diplômés, appelés à devenir des réservoirs de nouveaux étudiants et de dons.

En outre, de par leur structure même – administrateurs bénévoles, président puissant, autonomie financière et isolement géographique –, les colleges étaient des institutions éminemment adaptables. Ils pouvaient évoluer sans avoir à en référer à un ministre de l’Éducation ou à un évêque. Leurs présidents en étaient les patrons, avec pour mission d’assurer la viabilité de l’établissement et d’améliorer son assise. Ils devaient tirer le meilleur parti des avantages que leur procuraient leur situation géographique et leur proximité avec une Église et ­savoir se positionner rapidement face à la concurrence sur des questions telles que les programmes, le montant des droits d’inscription ou l’image de marque – ­sinon c’était la faillite. Entre 1800 et 1850, 40 colleges voués aux humanités, soit 17 % du total, durent mettre la clé sous la porte.

Les établissements qui fonctionnaient le mieux étaient très enracinés dans des villes reculées du pays et portaient généralement le nom de la ville qui les abritait. Ils considéraient que leur mission était de former les ­futures élites et d’être le foyer intellectuel local. Ceux qui passèrent le cap du milieu du XIXe siècle étaient bien placés pour tirer parti de l’imminent essor de l’enseignement supérieur.

Mais ils conservaient une aura popu­laire. Éparpillés sur le territoire, contraints de rivaliser avec leurs homologues, ils se préoccupaient davantage de leur survie que de la qualité de l’enseignement. Le système universitaire américain s’adressait de ce fait davantage à la classe moyenne qu’aux milieux plus aisés. Les familles pauvres ne pouvaient pas y ­envoyer leurs enfants, mais celles de la classe moyenne, si. La sélection à l’entrée n’était pas trop sévère, les études pas trop exigeantes, les frais de scola­rité raisonnables. Le college y a gagné une large base populaire qui l’a sauvé d’un élitisme de type Oxford et Cambridge. Il était un prolongement de la vie locale, une présence familière, une source de fierté ­citoyenne et la vitrine culturelle de la loca­lité. Les habitants n’avaient pas besoin qu’un membre de leur famille y travaille ou y fasse ses études pour sentir qu’il leur appartenait. Et cette base popu­laire s’est avérée capitale lorsque le coût des études universitaires a explosé.

Enfin, le modèle avait aussi pour carac­téristique d’être axé sur la pratique. La création d’universités d’agriculture et d’ingénierie sur des terrains concédés par l’État fédéral est à la fois une cause et une conséquence de cette prédilection pour les études utiles. La prio­rité donnée aux « arts utiles » était inscrite dans l’ADN de ces établissements, comme une expres­sion de la volonté américaine de se doter non pas d’un enseignement supérieur pour gentlemen ou intellectuels mais d’écoles offrant des formations professionnalisantes. Le but était d’apprendre à fabriquer des produits et à gagner sa vie, et non d’acquérir un vernis social ou d’explorer les sommets de la culture. Et ce modèle s’est généralisé à l’ensemble de l’enseignement supérieur. On ne s’est pas contenté d’inclure au programme des disciplines comme l’ingénierie ou les sciences appliquées, on a aussi axé l’enseignement sur la résolution des problèmes des hommes d’affaires et des décideurs. Le message était le suivant : « Ce college est le vôtre, il œuvre pour vous. »

Tout cela a commencé à changer dans les années 1880, au moment où l’université de recherche à l’allemande a fait irruption sur la scène éducative américaine. Dans ce nouveau modèle, l’université était un lieu qui produisait de la recherche scientifique de pointe et proposait un enseignement de troisième cycle à l’élite intellectuelle. En s’en inspirant, le système américain a gagné la crédibilité scientifique qui lui faisait tant défaut. Enfin, il pouvait prétendre être le lieu d’un enseignement de très haut niveau. Dans le même temps, les colleges ont vu déferler les inscriptions, ce qui a permis de remédier à un autre problème de l’ancien modèle, à savoir la pénurie chronique d’étudiants.

Les États-Unis n’ont pas adopté le modèle allemand en bloc mais l’ont adapté à leurs besoins. L’université de recherche est venue s’ajouter aux autres types d’établissements sans les remplacer. L’université allemande était une institution élitiste, axée sur l’enseignement de troisième cycle et la recherche de haut niveau, ce qui n’était possible qu’avec un soutien de l’État. Un tel finan­cement n’étant pas envisageable aux États-Unis, l’enseignement de troisième cycle et la ­recherche universitaire devaient se cantonner à un niveau ­modeste en se greffant sur la souche robuste du premier cycle. Ils se finançaient grâce aux droits d’inscription déboursés par la masse des étudiants de premier cycle et, pour les établissements publics, à une dotation budgétaire calculée en fonction du nombre d’étudiants. Ils profitaient aussi du soutien politique et de la légitimité sociale résultant de la dimension populaire et de l’orientation pratique du college. L’enseignement supérieur de haut niveau était ainsi tributaire d’un premier cycle accessible à tous et pas trop exigeant intellectuellement. Bref, il lui fallait des étudiants. Au XXe siècle, ceux-ci sont arrivés, et le système américain d’enseignement supérieur s’est alors trouvé en position de tirer parti de ses acquis.

Pour survivre, les colleges avaient compris qu’ils devaient contenter les étudiants, en leur offrant de multiples occasions de socialiser – fraternités et sororités étudiantes, et bien sûr football américain – tout en n’exigeant pas trop d’eux sur le plan des études. L’idée était d’impliquer les jeunes gens au point qu’ils s’identifient à l’établissement – et que, plus tard, ils en portent encore les couleurs, assistent aux réunions d’anciens, y inscrivent leurs enfants et lui fassent des dons généreux.

Ce côté populaire se manifeste encore aujourd’hui dans le vocabulaire. Les Américains emploient indifféremment les termes college et university. Ailleurs dans le monde anglophone, university désigne les niveaux les plus élevés de l’enseignement supérieur, et délivre des diplômes de troisième cycle, tandis que college renvoie plutôt à des établissements universitaires à cycle court. Lorsque les Britanniques ou les Canadiens disent : « Je vais à l’université », cela a une connotation élitiste. Pour les Américains, le terme a un petit côté guindé et prétentieux. En général, ils préfèrent dire : « Je vais au college », qu’il s’agisse de Harvard ou de l’école professionnelle du coin. C’est assez trompeur, car l’enseignement supérieur américain est extraordinairement hiérarchisé, la valeur du diplôme variant du tout au tout en fonction du prestige de l’établissement. Mais cela reflète aussi la popularité de l’institution, l’affirmation que tout le monde ou presque peut aller à la fac.

Pour en revenir au XXe siècle, un autre avantage du système américain était que colleges et universités avaient en général une grande autonomie. C’était particulièrement vrai des établissements privés à but non lucratif qui sont, aujourd’hui encore, majoritaires dans le système d’enseignement supérieur. Un conseil d’administration bénévole est propriétaire de l’établissement et en nomme le président, qui fait office de directeur général, établit le budget et gère le corps enseignant et le personnel administratif. Les universités privées perçoivent à présent des fonds publics conséquents, destinés à financer des programmes de recherche ou à octroyer des prêts et des bourses aux étudiants, mais elles ont toute latitude en ce qui concerne le montant des frais de scolarité, des ­salaires, les programmes et l’organisation. Cela leur permet de s’adapter rapidement aux évolutions du marché, de saisir des possibilités de financement, d’élaborer de nouveaux programmes et d’ouvrir des centres de recherche.

Les universités publiques, elles, sont placées sous la tutelle de l’État dans ­lequel elles sont implantées. Ce dernier leur alloue une dotation de fonctionnement et donne les orientations générales, ce qui limite leur marge de manœuvre en matière de budget, de frais de scolarité et de salaires. Mais cette dotation ne couvre qu’une part des dépenses, qui est inversement proportionnelle au prestige de l’établissement. Aux États-Unis, les grandes universités publiques et centres de recherche reçoivent souvent de l’État moins de 20 % de leur budget ; pour l’Université de Virginie, cette subvention n’atteint même pas 5 %.

Les établissements publics doivent donc recourir aux mêmes méthodes que les privés pour boucler leur budget : droits d’inscription, contrats de recherche, facturation de prestations et dons. Ce sont les universités publiques de recherche qui possèdent la plus grande autonomie. Et celle des deux les plus ­cotées – l’Université de Californie et l’Université du Michigan – est même inscrite dans la Constitution de l’État.

L’autonomie s’est avérée cruciale pour la bonne santé financière et le dynamisme du système d’enseignement supérieur américain. Les universités donnent le meilleur d’elles-mêmes quand elles favo­risent un bouillonnement d’initiatives ­venues de la base – quand les enseignants sont à l’affût de pistes de recherche, que les départements élaborent des programmes, que les administrateurs créent des instituts et des centres pour tirer parti des possibilités qui se présentent. Ailleurs dans le monde, la planification centralisée d’un ministère de l’Enseignement supérieur cherche à orienter les universités vers les objectifs fixés par l’État, et ces décisions venues d’en haut étouffent l’esprit d’entreprise des professeurs et des administrateurs alors qu’ils connaissent mieux leur domaine et sont plus en phase avec les attentes du marché.

L’effet de l’autonomie sur la performance des universités est quantifiable. L’économiste Philippe Aghion, de Harvard, a publié avec des collègues une étude montrant une corrélation entre le rang des universités dans le classement international dit de Shanghai et leur part de financement public. Les chercheurs ont constaté que, pour chaque point de pourcentage de financement public supplémentaire, les universités reculent de trois places. À l’inverse, lorsque la part du budget provenant de financements privés augmente de 1 point, elles gagnent six places.

Au XIXe siècle, c’est l’absence de soutien financier de la part des Églises et des pouvoirs publics qui a contraint les universités américaines à évoluer vers un système d’enseignement supérieur économe, adaptable, autonome, à l’écoute des besoins du public, en partie autosuffisant et décentralisé à l’extrême. Ces humbles débuts ont ainsi permis au système de devenir le meilleur du monde et à des colleges médiocres de se hisser au sommet. Au XXIe siècle, 52 universités américaines se classent dans le top 100 mondial, et 16 figurent parmi les 20 premières. La moitié des lauréats d’un prix Nobel du XXIe siècle sont issus d’une université américaine. Et ce réseau qui vivotait nage à présent dans l’opulence. L’université américaine la plus riche est Harvard, avec 35 milliards de dollars ; en Europe, c’est Cambridge, avec 8 milliards, et, en Europe continentale, l’Université d’Europe centrale (CEU), fondée en 1991 à Budapest : grâce à un don de George Soros, elle fonctionne avec une dotation de 900 millions de dollars, ce qui la placerait aux États-Unis au 103e rang, derrière l’université Brandeis.

Un vrai conte de fées. Le système américain d’enseignement supérieur n’est plus une fumisterie ; le monde entier nous l’envie. Malheureusement, comme il s’agit d’un dispositif qui n’a pas été planifié au départ, il ne constitue pas un modèle ­réplicable. C’est un accident qui est le fruit de circonstances exceptionnelles : État faible, marché puissant, Églises divi­sées ; surabondance de terres à vendre et pénurie d’acheteurs ; piètre qualité de l’enseignement. Reproduire ce modèle ailleurs au XXIe siècle ? Vous n’y pensez pas !

— David Labaree est un historien américain de l’éducation.

— Cet article est paru dans le magazine en ligne Aeon le 11 octobre 2017. Il a été traduit par Jean-Louis de Montesquiou.

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Il a fallu un best-seller au contenu aussi cru que Portnoy et son complexe, de Philip Roth, pour que l’Australie se débarrasse de son vieux système de censure. C’est cette histoire que raconte l’universitaire Patrick Mullins dans The Trials of Portnoy.

En 1970, avant de pouvoir être diffusés en librairie, les livres doivent être visés par plusieurs instances fédérales et locales, et notamment par un bureau de censure. « Cette procédure, qui datait de la fin du xixe siècle, du temps où les romans de Zola, Balzac et Maupassant étaient jugés trop osés et radicaux pour le lectorat australien, est devenue particulièrement stricte pendant l’entre-deux-guerres », explique l’universitaire Amanda Laugesen dans le magazine en ligne Inside Story.

Dans les années 1950 et 1960, le tollé suscité par l’interdiction de L’Attrape-cœurs, de J. D. Salinger, et de L’Amant de lady Chatterley, de D. H. Lawrence, commence à faire bouger les lignes. Les éditeurs de Penguin attendent le bon moment pour porter le coup fatal, raconte Mullins. Portnoy et son complexe, qui est un best-seller mondial, leur fournit l’occasion rêvée. En juillet 1970, ils font imprimer et distribuer dans le plus grand secret aux libraires 75 000 exemplaires du roman. Défiant les autorités, ils annoncent la parution du livre en claironnant qu’ils sont prêts à porter l’affaire jusqu’à la Cour suprême.

C’est aux États qu’il incombe de faire respecter l’interdiction. Les procès se succèdent donc d’un bout à l’autre du pays. « Mullins consacre une bonne partie de son livre à la description des audiences, et sa lecture est divertissante », souligne Laugesen. Les procureurs se plongent dans les passages les plus obscènes de Portnoy pour arguer de son carac­tère choquant. Face à eux, la défense aligne le gratin de la littérature australienne qui met en avant la qualité littéraire du roman. Les juges sont partagés. En décembre 1972, des élections générales mettent un terme à ces hésitations. Le travailliste Gough Whitlam devient Premier ministre et abolit le système fédéral de censure. Mullins ne se contente pas de retracer cet épisode, il remet en cause l’idée que les Australiens se font d’eux-mêmes, assure le critique James Ley dans l’Australian Book Review : « Nous avons ce mythe stupide et agaçant qui veut que nous soyons des trublions irrévérencieux épris de liberté, alors qu’il est évident que nous avons longtemps été un pays de prudes et de puritains. »

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Avec La musa fingida, Max ­Besora entend « dépoussiérer la tradition littéraire catalane », comme il l’explique dans la revue littéraire en ligne Pliego Suelto. Connu pour ses romans volontiers sardoniques, l’écrivain barcelonais emprunte cette fois-ci à des genres jugés mineurs, tels que le gore ou la science-fiction, pour tisser une sanglante histoire de vengeance. « Si vous n’aimez pas un tant soit peu les films de Tarantino, ce livre n’est pas pour vous », prévient Magí Camps dans le quotidien La Vanguardia.

Un père de famille, catholique fervent, entreprend, pour « extraire Satan » du corps de sa fille, de la violer à répétition. Celle-ci finira par se révolter dans un déferlement de violence. Si mini­male que soit l’intrigue, elle permet à Besora de brosser une série de personnages ubuesques. À l’instar des employés de la boucherie Pompeu Fabra – nom du grammairien à l’origine de la standardisation de la langue catalane –, qui n’hésitent pas à hacher menu les clients ne ­s’exprimant pas dans un néo­catalan parfait. Besora, quant à lui, prend un malin plaisir à subvertir la langue, à l’émailler de spanglish et de formules argotiques. « Tout lecteur familier du surréalisme grotesque, de l’humour excentrique, des intrigues décousues et des parodies linguistiques de ­Besora pourra confirmer qu’il est ici à son meilleur », se réjouit Ponç Puigdevall dans l’édition catalane du quotidien El País

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Entrant dans l’église pour l’office dominical, une famille américaine découvre une personne endormie sur un banc. Impossible de déterminer son âge, son sexe ou sa couleur de peau. D’autant que l’inconnu reste mutique. Le pasteur décide alors de le surnommer Pew, « banc », puisque c’est là qu’on l’a trouvé. La ­famille l’accueille sous son toit et toute la ville se mobilise pour l’aider.

Si Pew reste un mystère pour les lecteurs et pour ses bons samaritains, ces derniers se dévoilent peu à peu. Profitant de l’oreille attentive de cet interlocuteur muet, ils donnent à entraper­cevoir un monde replié sur lui-même, inquiétant. « Nous ­savons que nous n’avons pas été justes avec tout le monde, avoue un ­ancien, mais nous avons toujours été justes au ­regard de la définition de la justice de l’époque. »

« On imagine tout à fait ce ­roman adapté au cinéma par les frères Coen ou David Lynch. Mais il a aussi quelque chose de la pièce Le Revizor de Gogol, dans laquelle un étranger exorcise involontairement les démons d’une petite bourgade de la Russie tsariste », estime la critique Johanna Thomas-­Corr dans l’hebdomadaire britannique New Statesman.

[post_title] => Peur de l’inconnu [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => peur-de-linconnu [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2020-09-21 16:41:42 [post_modified_gmt] => 2020-09-21 16:41:42 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=95697 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Avec son nouveau livre The Weirdest People in the World, Joseph Henrich, professeur de biologie évolutive humaine à Harvard, entend « justifier la spécificité de l’Occident tout en amoindrissant son arrogance », écrit Judith Shulevitz dans le magazine américain The Atlantic. Une ambition « délicate » qui découle d’un constat : les expériences de sciences sociales prétendant éclairer une nature humaine universelle ne décrivent au mieux que les modes de fonctionnement d’une part minime de la population mondiale, ceux que Henrich et ses collègues psychologues Steven Heine et Ara Norenzayan appellent les « WEIRD ».

Dans une étude publiée il y a une dizaine d’années, ils définissaient cette population « bizarre », weird en anglais : « Western, Educated, Industrialized, Rich, et Democratic » soit occidentale, instruite, industrialisée, riche et démocratique.

La psychologie particulière des Occidentaux

Quand des expériences de sociologie ou de psychologie sont reproduites avec des populations non WEIRD, que ce soit avec des peuples de chasseurs-cueilleurs ou des cadres supérieurs asiatiques, les résultats sont différents. WEIRD et non-WEIRD ont des styles cognitifs opposés. C’est là « l’affirmation la plus importante et étonnante » de Henrich, note Shulevitz. Là où les WEIRD tendent à réfléchir de manière analytique, à être individualistes, autocentrés avec un penchant pour la culpabilité, beaucoup de non-WEIRD, qu’ils vivent en Chine ou dans le désert du Kalahari, appréhendent le monde de manière holistique, font passer le groupe avant l’individu et l’universel, ressentent de la honte.

La clé de leurs différences se situe dans leur rapport au groupe, assure Henrich dans The Weirdest People in the World. Les WEIRD se définissent par ce qu’ils font (leur travail, leur passion…) et non par leur place dans une structure familiale ( frère de, cousine de…), ce qui est pourtant la pratique « normale » depuis le début de l’histoire de l’humanité. 

L'influence de l’Église catholique

« Henrich estime que les Occidentaux ont développé cette psychologie particulière en raison des coutumes de mariage de l’Église catholique, qui ont entraîné la disparition de nos peuples autochtones et l’essor de la famille nucléaire, de l’individualisme, du protestantisme et l’État de droit. Et tout ceci, à son tour, a ouvert la voie à la révolution industrielle, et à la trajectoire singulière qu’a prise l’Europe occidentale à l’époque contemporaine », résume Matthew Syed dans The Sunday Times. Une théorie que les critiques invitent à ranger au rayon « grande thèse sur l’humanité » au côté des best-sellers de Jared Diamond, Steven Pinker ou Yuval Noah Harari.

À lire aussi dans Books : « C’est la culture qui nous rend intelligents », juin 2020.

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